CASA 2040, le solaire se lève à l’ouest

Par Antoine Guy, 30 novembre 2023 à 19:30, Sophia Antipolis

Polis

Un grand territoire marqué par l’hétérogénéité


La CASA, ou Communauté d’Agglomération de Sophia Antipolis, faut-il le rappeler, regroupe un ensemble de 24 communes réparties sur un territoire de 483 km2, où vivent presque 180 000 personnes. Le haut pays héberge des villages comme La-Roque-en-Provence (le plus au nord), Coursegoules, Bézaudun-les-Alpes … Le moyen pays comprend des municipalités comme Roquefort-les-Pins ou le Rouret. Dans la zone sud et le littoral, sont implantés des localités comme Villeneuve-Loubet, Valbonne, Biot, Vallauris et enfin la conurbation d’Antibes Juan-les-Pins. La densité moyenne de la CASA avec 375 habitants au km2 est haute, comparativement à la moyenne nationale qui s’établit à 106 hab/km2. Sur notre territoire elle comporte d’importantes disparités. Dans le haut pays, les chiffres oscillent autour de 7 hab/km2, puis augmentent autour de 150 hab/km2 dans le moyen pays, pour atteindre des valeurs de 600 à 800 hab/km2 sur des communes comme Valbonne ou Biot et culminent enfin à presque 2 900 hab/km2 sur le littoral Antibois.   


La démographie révèle une grande diversité de situations entre un haut pays agricole, un moyen pays et un littoral irrigués par le tertiaire et le tourisme. En 2020, 67 % des logements sont des appartements, et 33 % des maisons. Sur ce total, près de 40 % sont des résidences secondaires, des logements occasionnels ou même vacants. La population des retraités est assez importante (32 %) comparativement aux cadres, artisans, commerçants, chefs d’entreprises (24 %), et aux professions intermédiaires, employés, ouvriers (40 %).



Du nord au sud, un spectre large des modes de consommations énergétiques


Les besoins et les capacités des habitants de la CASA vis-à-vis de ces transitions sociétales majeures vers le durable, le renouvelable, le recyclable, le circuit-court, la mobilité douce, la dépense énergétique, varient beaucoup du haut pays au littoral. La pyramide des âges, les types d’emploi, la répartition du foncier et de l’habitat, la diversité économique entre tourisme, tertiaire (technopole de Sophia), commerce et agriculture font de ce territoire un grand bassin d’opportunités mais où les modalités d’actions, les volontés d’évoluer, les possibilités de transitions ne sont pas uniformes.


Dans le contexte actuel « crise-transition énergie-climat », considérant la maturité des technologies photovoltaïques et les nombreuses aides publiques, promouvoir et développer le solaire semblent une évidence sur un territoire qui bénéficie d’un si bel ensoleillement. « L’attractivité d’un projet solaire dépendra de nombreux facteurs et le photovoltaïque n’est pas forcément l’unique réponse » prévient Hervé Bouffier. Le secteur tertiaire consomme de l’énergie du lundi au vendredi, en journée seulement mais toute l’année, sur un foncier souvent restreint. Le secteur agricole connait très peu d’intermittence d’activités mais dispose de belles surfaces qu’il faut cependant protéger s’agissant de la biodiversité. Enfin le secteur du tourisme, saisonnier par essence, consomme selon des intermittences fortes et challenge par une grande diversité de contexte entre l’agro-tourisme du nord et l’hôtellerie de luxe du littoral.



Encadrer pour éviter que le solaire ne devienne une usine à gaz


Les politiques locales d’aménagement en lien avec les règlementations nationales et européennes encadrent la filière selon la vision CASA2040. Elles ne permettent pas de déployer du solaire tous azimuts et à volonté. « Le solaire implique une démarche transversale avec de nombreux interlocuteurs, à différentes échelles : les bâtiments privés ou publics, le niveau du quartier, la commune, tout en s’alignant sur les logiques du SCoT (Schéma de Cohérence Territoriale), du PCAET (Plan Climat Air Énergie Territorial), et du PDM (Plan de Mobilité) » résume Hervé Bouffier. « Le SCoT-PCAET est un outil de planification permettant de mettre en cohérence les projets d’urbanisme dans une optique de développement durable et de décarbonation à l’horizon 2040. Il engage notre territoire et à produire 30 % de notre consommation en diminuant celle-ci et en produisant davantage (essentiellement en solaire, géothermie et biomasse) » ajoute Alexandre Follot. Le solaire rayonne et séduit. La complexité des dossiers peut parfois tempérer l’enthousiasme et faire de l’ombre.


« Pour planifier le déploiement du photovoltaïque, nous commençons par recenser les gisements potentiels les plus accessibles : bâtiments communaux et parkings, certaines friches. Les élus locaux, pour des raisons d’économie et d’attractivité initient de nombreux projets d’implantations de panneaux en toitures, et d’ombrières sur les parkings. Nous soutenons 30 projets actuellement. » remarque Allison Cazal. Chaque projet nécessite évidemment visites et études préalables. Le chemin est parfois tortueux. Les Bâtiments de France peuvent questionner un déploiement photovoltaïque sur du patrimoine ancien, et la règlementation RE2020[1] entrée en application le 1er janvier 2022, ayant pour objectif de construire des bâtiments neufs plus sobres sur le plan énergétique et moins carbonés, ajoute aussi ses prérogatives. Dans certaines zones boisées, les PPRI (Plan de Prévention des Risques Incendies) nécessite de revisiter les projets d’implantation de photovoltaïque.


Depuis le 17 mars 2023, la loi APER (Accélération de la Production d’Énergies Renouvelables) s’est invitée au bal. Elle vient s’ajouter aux éléments juridiques et règlementaires déjà en place, pour réduire les délais d’instruction des dossiers, identifier les zones aptes à produire des EnR, planifier leurs déploiements qui souffrent d’un retard certain. Reste qu’on ne peut pas tout décréter par la loi. APER est sûrement nécessaire, mais pas suffisante.



Déjà des projets convaincants. Une marge de progression encouragée


Hervé Bouffier note « une accélération des installations photovoltaïques sur le tertiaire, à Sophia et ailleurs. L’installation simple, en autoconsommation pendant les heures d’ensoleillement et donc de présence dans les bureaux, évitent le recours aux batteries, chères, moyennement recyclables et encombrantes en sous-sol ». Le programme des « Aqueducs » de Valimmo est à ce titre exemplaire et même avant-gardiste puisqu’il a fait jurisprudence au niveau national[2]. 4 bâtiments distants de quelques mètres autoconsomment, en la mutualisant, l’électricité produite sur leurs toits. « Avant la nouvelle règlementation qui autorise maintenant l’autoconsommation collective dans un périmètre de 2 km, un programme comme les Aqueducs devaient installer 4 compteurs et le premier bâtiment ne pouvait pas fournir de l’énergie aux trois autres. Aujourd’hui, un seul compteur suffit. Toute la production est partagée localement en circuit court en transparence » s’enthousiasme Allison Cazal. Les projets de communauté locale virtuelle de production-consommation, par résidence, par quartier, germent. « À Antibes, 80 % des dossiers traités dans les services de l’urbanisme sont des projets en solaire, grâce à cette évolution règlementaire » appuie Alexandre Follot. « Fin décembre, la CASA va soumettre à la délibération un programme de soutien pour les projets communaux en sobriété et en solaire à hauteur de 35 %. Nous allons aussi proposer aux ‘copro’ un outil pour s’y retrouver dans les aides possibles qui sont nombreuses. » conclut-il.


L’installation de photovoltaïque en autoconsommation individuelle sur les toits du Business Pôle de Sophia a aussi démontré le très bon taux de rentabilité interne (TRI) de ce type d’initiative (1 an). Le solaire photovoltaïque, associé au thermique pour l’eau chaude sanitaire, est très bien adapté à l’autoconsommation sur ces lieux occupés uniquement en journée. Les progrès de l’isolation, et de la sobriété (éclairage LED basse consommation piloté automatiquement par exemple) participe significativement à maintenir l’équation en zone positive, offrant des TRI de l’ordre de 5 ans. Le futur Pôle Innovation bénéficiera de toutes ces expériences terrains pour suivre cette trajectoire sobriété et autoconsommation en local. « Soyons exemplaires ! » lance régulièrement Jean Leonetti.


Il existe d’autres formes de gisements, comme le site du Trou du Béget à Valbonne. Ce site a accueilli une décharge entre 1974 et 1981. Difficile à remettre en valeur étant donné son passé, il hébergera bientôt une ferme solaire de 3 ha. « Pas de déforestation, pas de réduction des terres agricoles. Une exploitation simple d’une surface improductive frappée à l’aune du bon sens, en ligne avec la vision CASA2040 » se réjouit Allison Cazal.



Mobilisation de tous au sein d’une filière en pleine révolution


La technopole de Sophia phosphore avec tous ses acteurs sur ces sujets : smart building, sobriété, autoconsommation pilotée, solaire thermique et photovoltaïque, géothermie, mobilité douce. SAP, précurseur depuis quelques années a fait des émules. « Les promoteurs immobiliers de Sophia utilisent nettement ce levier, moins pour paraître vertueux que pour offrir des prestations au m2 compétitives. Ensuite ces critères impactent aussi le recrutement et la fidélisation des collaborateurs. Le succès est au rendez-vous quand écologie et économie se rejoignent » précise Alexandre Follot.


Certes les freins administratifs parfois agissent, mais les projets ralentissent aussi à cause du déficit de compétences. Les artisans peinent à recruter du personnel qualifié sur le solaire et la rénovation énergétique. Ils doivent obtenir le label RGE (Reconnu Garant de l’Environnement) pour que leurs clients puissent bénéficier des aides. « Ce label n’est pas facile à obtenir, et encore moins à renouveler » déplore Hervé Bouffier. Le campus des métiers avance pour former les futurs collaborateurs de la filière. « Nous avons signé un partenariat avec Mines ParisTech de Sophia. 15 étudiants travailleront avec la CASA sur des thématiques d’EnR » ajoute Allison Cazal. Dernier point qui peut refroidir : 80 % des cellules photovoltaïques sont fabriqués en Chine. La France et l’Europe ne dispose pas encore d’une filière et d’une indépendance satisfaisante. Une opportunité à creuser rapidement ?


La CASA travaille activement pour encourager l’usage des énergies renouvelables complémentaires du solaire. Ainsi, les projets présentant d’autres énergies comme la géothermie sont également développés et accompagnés. Le Pôle Innovation est à ce titre exemplaire.


À la CASA, la rentrée solaire a bien eu lieu, les programmes sont en place et tout le monde est au travail. Rendez-vous en 2040 pour passer l’examen final.




[1] RE2020 : Réussir Ensemble – Règlementation Environnementale.


[2] Un petit « cocorico » pour Sophia.

Parution magazine N°43 (décembre, janvier, février)

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