Grasse Campus,
la revanche des territoires interstitiels

Par La rédaction, 15 mars 2023 à 22:33, Grasse

Polis

Le pays grassois accueille aujourd’hui 800 étudiants répartis sur cinq sites et 22 établissements. 36 formations sont dispensées, de niveau bac à bac+5 en passant par des formations professionnelles dont certaines sont très pointues. L’inauguration du cinquième site de Grasse Campus à l’ancien palais de justice ouvre une nouvelle voie tangible en termes de diversification d’offre, avec une réelle volonté d’allier apprentissages et monde des entreprises.

C’est non sans ironie que le préfet Rollon Mouchel-Blaisot, directeur du programme national « Action Cœur de Ville », a ouvert son propos lors de l’inauguration de Grasse Campus le 6 février dernier, entouré de très nombreux élus et personnalités du Pays de Grasse. Il a évoqué la période pas si lointaine où la dynamique des villes moyennes était bien peu considérée au niveau central et où un rapport d’État est même allé jusqu’à faire la surpromotion des 68 villes métropoles en France en qualifiant les milliers de communes non métropolitaines de territoires interstitiels peu dignes d’intérêt en termes d’investissements.


Quel magnifique démenti que cette inauguration, Grasse incarnant à merveille cette revanche des territoires interstitiels.


Jérôme Viaud, le président de la Communauté d’agglomération Pays de Grasse, a rappelé dans son discours le volontarisme de la CAPG et de l’ensemble des communes de l’agglomération pour rendre cette installation de campus possible. Il y a d’abord eu les étapes administratives - essentielles - en commençant par une modification statutaire. La CAPG s’est ainsi dotée de la compétence légale pour intervenir de manière volontariste dans le domaine de l’enseignement supérieur. Il y a ensuite eu les engagement financiers – conséquents – de la communauté d’agglomération et des communes. Aussi louable que soit la démarche en effet, elle n’est pas neutre pour les caisses territoriales même si plusieurs co-financements ont pu être captés de l’État, de la Région et du Département. S’il y a eu des débats au sein des 23 communes, il y a surtout eu consensus entre les 23 maires, et c’est cette réflexion collective politique - au meilleur sens du terme - qui permet aujourd’hui d’en cueillir les fruits.


La mise en œuvre du projet n’a pour autant pas été un long fleuve tranquille et les architectes Vincent Speller et Yves Pépin ont dû faire face à plusieurs arrêts de chantier suite à des procédures de référé. Malgré ces soubresauts judiciaires, le geste architectural a respecté le bâtiment de l’ancien palais de justice et a su magnifier l’existant, à commencer par l’ancienne salle d’audience. L’escalier central en fer à cheval est en soi un chef d’œuvre et plusieurs ouvrages de vitraux et de marbrerie sont particulièrement remarquables. Alliant subtilement modernité et tradition, ce cinquième site opérationnel de Grasse Campus, qui a vocation à accueillir en volume le nombre le plus important d’étudiants et de formations, s’étend sur une surface de 3 000 m2 et comprend deux amphithéâtres, 14 salles de cours, un laboratoire multimédia, un laboratoire technique et un fablab.


Installer un campus universitaire en plein cœur de ville était encore une utopie il y a cinq ans. Aujourd’hui, depuis la création du Campus territorial multisites en 2018, le pays grassois accueille 800 étudiants répartis sur cinq sites et 22 établissements. 36 formations sont dispensées, de niveau bac à bac+5 en passant par des formations professionnelles, certaines très pointues. Parmi les formations et établissements d’enseignement supérieur opérationnels à ce jour, on peut citer : IDRAC Business School, ECAM-EPMI Graduate School of Engineering, Master of Science en partenariat avec l’Université Côte d’Azur, l’EDHEC et ISIPCA, École supérieure du Parfum, le Master professionnel FOQUAL particulièrement prisé des entreprises et mis en œuvre en partenariat avec le département de Chimie de l’Université Côte d’Azur (UCA), Denis Durand Académie, et à partir de la rentrée 2023, le Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et SUP’DE COM.


Le défi, nous indique Valérie Loubat, directrice de Grasse Campus, était d’étoffer et de diversifier l’offre de formations et de sortir de la zone de confort de cursus qui soient uniquement liés aux arômes et parfums. « Le premier partenariat entre UCA et EDHEC Business School nous a mis le pied à l’étrier en 2018. C’était plus facile ensuite d’approcher les écoles généralistes. En 2019, l’école d’ingénieurs ECAM-EPMI s’est installée avec une forte composante énergie. Une école d’immobilier (ESPIM) et d’audiovisuel (EFCAM) ont ensuite suivi en 2021 et 2022. Aujourd’hui, on en est à filtrer les demandes. Et en même temps, on a renforcé les formations autour du parfum. » Les établissements d’enseignement supérieur étaient particulièrement bien représentés à l’inauguration. Parmi eux : Ikram Darcherif, directrice générale d'ECAM-EPMI, Roger Serre et Thomas Legrain, respectivement président et directeur général du réseau Compétence et Développement qui chapeaute IDRAC Business School et SUP’DE COM.


La démarche d’universitariser le Pays de Grasse est donc éminemment pragmatique. En évoquant la rareté et la cherté du foncier, Jérôme Viaud met le point sur une barrière structurelle d’importance dans les villes interstitielles proches de la côte et explicite l’idée de positionner la collectivité territoriale en coordinateur et mutualisateur d’espaces et d’installations techniques. Les établissements qui ont conventionné avec Grasse Campus bénéficient en effet de certains services : l’accès à des locaux d’enseignement bien équipés, un relai pour des offres de stage et d’alternance, la promotion d’une vie étudiante, l’animation du campus par des conférences. Certains établissements dispensent leur enseignement dans leurs propres locaux mais pour la remise des diplômes, tout le monde se regroupe sur un seul site.


Grasse Campus n’a en tout cas pas fini sa mue. Entre les 76 logements étudiants qui vont être aménagés dans l’ancienne prison à côté de l’ancien palais de justice (on continue le circuit court) et l’objectif assumé de doubler les effectifs étudiants d’ici quelques années et d’augmenter les surfaces utiles du campus, le Pays de Grasse continue de s’activer. Le Conseil départemental vient de vendre l’immobilier de l’ancienne gendarmerie à la Ville de Grasse qui a vocation à le mettre à disposition pour étoffer l’emprise de l’enseignement supérieur local.

Parution magazine N°40 (mars, avril, mai)

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