Du côté du 3IA Côte d’Azur...
Quoi d'9 ?

Charles Bouveyron, directeur de l’institut 3IA Côte d’Azur © DR
L’institut 3IA Côte d’Azur a été labellisé IA-Cluster en 2024 avec des travaux de recherche qui se concentrent principalement sur deux grands domaines, la santé et les territoires intelligents. Loin de rechercher la performance à tout prix, l'institution prône une intelligence artificielle plus frugale, moins coûteuse et mieux adaptée aux problèmes spécifiques qu’elle doit traiter. Rencontre avec son directeur, Charles Bouveyron.
Pouvez-vous nous éclairer sur ce que concrètement, cette certification de IA-Cluster apporte au 3IA Côte d’Azur et dans quelle mesure cela peut permettre de renforcer les collaborations avec le secteur privé ?
Cette labellisation nous apporte tout d’abord du budget avec 20 millions supplémentaires pour travailler. Elle positionne également notre site dans les neuf sites français où l’État juge qu’il est important d’investir pour aller plus loin en matière d’intelligence artificielle. Enfin, c’est une récompense pour le travail accompli depuis 2019. Ce que nous avons fait a vraiment été apprécié par le jury et on nous engage à continuer. Nous gardons les mêmes thématiques autour de la santé et des territoires intelligents, avec un programme structurant et des financements jusqu’à l’horizon 2030.
En ce qui concerne les collaborations avec le secteur privé, nous avons reçu beaucoup de soutien des industriels locaux dans le montage du projet. Ils ont transmis des lettres d’engagement dont certaines portent sur des montants très importants. Les entreprises locales vont donc investir massivement dans l’IA, au sein de leurs laboratoires R&D et en collaboration avec le 3IA. Ce que nous souhaitons faire et que nous discutons avec les collectivités territoriales de la région, c’est créer des chaires industrielles qui seraient cofinancées par le 3IA et les industriels. Elles porteront principalement sur les territoires intelligents, mais aussi sur la santé.
Les axes principaux des recherches dans ces domaines sont très variés. Nous avons des développements autour de l’IA générative dont on parle beaucoup, mais nous avons aussi des développements sur d’autres types d’IA. Au 3IA Côte d’Azur, nous avons pour objectif d’avoir des intelligences artificielles qui soient applicables dans le monde réel, qui est un monde contraint. Par exemple, aujourd’hui dans un hôpital, il est difficile d’embarquer des solutions qui demandent beaucoup d’énergie et qui réclament beaucoup de temps de calcul. Ce sont deux paramètres dont l'hôpital ne dispose pas. Nous essayons donc de réfléchir au développement de solutions puissantes mais aussi assez frugales.
Des IA au service du Climat et de l'Environnement
Face au dérèglement climatique, l’IA peut être porteuse de solutions. Est-ce un sujet sur lequel vous travaillez ?
C’est effectivement un sujet sur lequel nous travaillons, notamment dans mon équipe de recherche où nous avons plusieurs projets et thèses en cours sur ce thème. Il y en a un qui me tient particulièrement à cœur. Il concerne l’utilisation d’outils d’intelligence artificielle pour le suivi et le recensement d’espèces de poissons à protéger dans le littoral méditerranéen. Nous produisons des sortes d’algorithmes pour des drones sous-marins afin de compter les poissons dans une zone. Cela permettrait par exemple de voir si la création d’un espace protégé autour du cap de Nice a un effet véritablement protecteur pour certaines espèces comme le mérou. C’est bien d’avoir un suivi sur plusieurs années et de pouvoir prouver que protéger les espèces favorise leur développement. Aujourd’hui, ce sont des plongeurs qui effectuent ce recensement, mais ils ne peuvent pas plonger sans arrêt et partout. Avec des drones qui filmeraient et feraient cela de façon automatique, on pourrait avoir un bien meilleur suivi.
L’IA permet également de mieux prévenir certains risques majeurs. Vos recherches sur les territoires intelligents apportent-elles des avancées en la matière ?
Oui et nous avons aussi un projet de start-up sur l’utilisation des fibres optiques déjà implantées dans les routes pour la détection de risques majeurs comme une inondation ou un glissement de terrain. Ceci en écoutant les signaux qui reviennent sur les fibres optiques. En effet, quand un signal part dans une fibre optique, si la fibre optique bouge, une partie de ce signal repart en arrière. Là, il y a un vrai travail d’intelligence artificielle sur le traitement de ces signaux pour arriver à comprendre ce qui se passe et donner les alertes qui vont bien.
Si l'IA permet de nombreuses avancées, elle pose aussi quelques problèmes et est notamment très consommatrice d’énergie. Au sein de 3IA Côte d’Azur, quelles recherches sont entreprises afin que l’IA soit plus sobre ?
Tout à fait. C’est vrai que ce n’est pas très raisonnable de dépenser une quantité d’électricité infinie pour résoudre des problèmes qui parfois ne sont pas si importants. Pour certaines applications, en étant prêt à perdre 3 à 5 % de performance, on peut réduire de 95 % le coût global avec des IA plus adaptées. Aujourd’hui, des IA très généralistes sont souvent utilisées pour résoudre des problèmes très particuliers. Mais quand on veut faire quelque chose de très spécifique avec une sorte de méga couteau suisse, cela coûte très cher en coût de calcul. En revanche, si on développe une IA exprès pour ce problème-là, c'est beaucoup moins coûteux et parfois plus performant. Avant de démarrer un programme, il faut donc mettre de l’intelligence humaine pour bien définir quelle IA utiliser pour quel problème en particulier.
Vous-même vous êtes statisticien. En quoi l’apport de l’IA dans les statistiques permet de mieux cerner les incertitudes liées aux risques environnementaux ?
En fait, la statistique est une partie de l’IA. Ce que je fais avec mon équipe, c’est vraiment de l’apprentissage statistique qui est une partie mathématique du cœur de l’intelligence artificielle. Au sein de mon équipe, l’originalité est que nous mélangeons statistiques et ce qu’on appelle le deep learning pour proposer de nouveaux outils dont on connaît les limites théoriques et qui soient performants.
Est-ce que vous aimeriez insister sur un point particulier ?
Je voudrais insister sur le fait que nous avons sur la Côte d’Azur une dynamique et un écosystème qui font plaisir à voir. Il y a une interaction remarquable entre les établissements d’enseignement supérieur, les partenaires industriels et les collectivités territoriales. C’est sans doute le territoire en France le mieux positionné dans ce domaine et c’est vraiment une grande force de notre 3IA.
Je vois également une très belle dynamique qui se profile devant nous et c’est très agréable. Vous verrez au fur et à mesure des années les prochains résultats. Par ailleurs, je souhaite également que nous ayons pas mal d’actions en faveur de la protection de l’environnement quand cela est possible. Nos outils peuvent avoir des usages dans ce domaine-là.
La formation enfin est un élément important pour apprendre aux futurs ingénieurs et techniciens qu’il existe beaucoup de types d’intelligence artificielle. Qu’ils n’aient pas simplement connaissance des dernières IA à la mode, faciles d’utilisation. Les outils d’IA générative que l’on observe aujourd’hui sont très populaires et certaines entreprises privées ont mis en place des interfaces qui facilitent leur utilisation. Mais souvent, en utilisant d’autres IA et en mettant un peu d’huile de coude, il est possible d’obtenir des résultats bien meilleurs à un coût bien moindre car elles sont plus adaptées et répondent mieux à la question. C’est cet état d'esprit que nous insufflons aux futurs ingénieurs et techniciens qui officieront dans quelques années, et également à ceux qui travaillent déjà dans les entreprises, car ce sont eux aujourd'hui qui utilisent ces intelligences artificielles.
3IA Côte d’Azur fait partie des quatre instituts interdisciplinaires d’intelligence artificielle créés en France en 2019. Piloté par Université Côte d’Azur, il regroupe des instituts nationaux comme le CNRS, l’Inria et l’Inserm, des grandes écoles telles qu’EURECOM, Skema ou Centrale Méditerranée, et a noué de nombreux partenariats avec des industriels. Il a pour mission d’effectuer de la recherche de pointe en intelligence artificielle, mais aussi de la formation et du transfert de technologie vers les entreprises.
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