Du design à l’objet,
les ponts agiles d’Alain Grandjean

Par Magali Chelpi-den Hamer, 15 mars 2023 à 20:08, Sophia Antipolis

De Tech à tech

À la tête de deux entreprises, L2 Concept et Factory Unit, Alain Grandjean s’intéresse à la mobilité au sens large. Voitures, motos, camions, bateaux, drones, sous-marins, jusqu’aux chariots autonomes de livraison. Professionnel de la « Proof of Concept », son prochain virage sera de se connecter aux acteurs de l’I.A. et de guider ses équipes pendant ce nécessaire pivot.

Alain Grandjean est un pragmatique. De ceux qui tentent, testent, essaient, se plantent parfois, toujours pour mieux rebondir. Simple. Dans le bon sens du terme. Et quand je lui demande de me définir ce que font ces sociétés : « En fait on fait n’importe quoi. En partant de rien. » Pas besoin d’en dire plus. Ses deux entreprises, L2 Concept et Factory Unit, ensemble, sont capables de réaliser concrètement ce que vous voulez. D’un drone volant habité à un boîtier de contrôle d’accès en passant par un sous-marin qui descend à 1 300 mètres de fond. Numéro un du « PoC ». Partenaire de milliardaires comme de TPE. Il s’adapte sans cesse dans la bonne humeur (c’est l’image qu’il donne), et ce malgré les difficultés qui ne manquent pas de nos jours, entre les pénuries de semi-conducteurs et les effets d’inflation.


D’où vient-il ? Assez platement, de région parisienne. Sa première société s’appelait Artware Design. Même concept que L2. Une combinaison agile d’agence de création de design et de bureau d’étude technique qui fait qu’à partir d’une feuille blanche, un sketch 2D devient une modélisation 3D avec un souci constant de rester connecté au processus de fabrication de l’objet. C’est cette approche qui constitue la valeur ajoutée de l’entreprise. Toujours se poser la question de la faisabilité technique de l’objet pour optimiser le process de développement et éviter de tomber dans la cosmétique en produisant un objet esthétique qui ne pourra jamais être fonctionnel.


La crise de 2008 aura raison de Artware. Premier rebond. Un client historique lui remet le pied à l’étrier en lui confiant tout de suite des projets. 2011 est l’année de la (re)naissance. L2 Concept. D’abord à Paris, et puis comme 80 % du chiffre d’affaires se fait dans le sud, un cap méridional est rapidement pris. Toute son équipe parisienne le suit et certains précèdent même leur patron. Il faut dire qu’il y a pire que de déménager sur Sophia Antipolis.


2015. Nouvelle étape. Le même client historique pousse à se lancer dans la réalisation physique des objets. Factory Unit est alors créée pour compléter L2. Avant 2015, la conception de projets ne se faisait qu’en numérique. Après 2015, les objets commandés vont être fabriqués en vraie grandeur. Ce virage n’a pas été neutre sur le plan financier. Il a fallu investir dans les machines nécessaires à réaliser concrètement les objets commandés (rien que la commande numérique 5 axes est proche du million d’euros, et c’est pour information la seule de cette taille-là dans le sud). Il a aussi fallu pousser les murs. Aujourd’hui, les deux entreprises cohabitent sur 1 800 m2, avec un fonctionnement bien pensé en plateaux, contrôle d’accès et voies séparées pour ne pas se croiser, car l’espionnage industriel n’est pas un mythe... L’équipe parisienne s’est étoffée d’Azuréens (et -ennes) et ce métissage a donné de bons fruits : la 4L volante de Renault, c’est eux ; la réplique de l’AC Cobra aussi.


L2 et Factory s’intéressent à la mobilité au sens large. Tout ce qui se déplace est dans leur cour. Automobiles, motos, camions, bateaux, drones, sous-marins, jusqu’aux chariots de livraison. Stratégiquement, il y a le souhait de pivoter vers tout ce qui touche aux objets connectés, autonomes, I.A. donc, de plus en plus présent dans les pratiques personnelles, donc industrielles. Alain Grandjean a déjà un pied dans la Maison de l’Intelligence artificielle à Sophia et dans les années qui viennent, il espère encore plus concrètement se rapprocher des universités et des acteurs de l’I.A. Après tout, ses deux entreprises sont incontournables ici. Parce qu’avant de capturer de la data, il faut penser l’objet qui permette cette capture. Et quoi de mieux que L2 et Factory pour qu’un concepteur d’idée leur soumette sa feuille blanche puis laisser les matières grises (et oranges) travailler à conceptualiser et à réaliser l’objet, grandeur nature.


Alain s’est doté d’un laboratoire où ses équipes fabriquent elles-mêmes cartes, drivers, batteries, moteurs électriques. Pour sourcer les semi-conducteurs, elles vont jusqu’à cannibaliser des cartes existantes sur lesquels des composants introuvables ont été repérés. Dans le hangar, une commande d’usinage, une sableuse, un équipement de thermoformage, une cabine de peinture, un labo de couleur où sont formulées les couleurs des véhicules de demain. S’il fallait pitcher les deux entreprises, « autonome sur quasi-tout » serait certainement un bon slogan. Ce qu’Alain Grandjean a réussi à impulser est rare. C’est une force de frappe technique. C’est une philosophie d’entreprise. C’est la revendication d’un savoir-faire transversal toute industrie. MacGyver y aurait toute sa place.


Parution magazine N°40 (mars, avril, mai)

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