Hydrogène, l’énergie des espoirs?

Par Antoine Guy, 1 septembre 2021 à 01:10

Énergivores

Dans le contexte brûlant qui est le nôtre, entre pandémie imposée, neutralité carbone inatteignable, modèles économiques peu flexibles et urgence écologique vitale mais débattue, la mise en œuvre d’une alternative énergétique décarbonée et crédible, à échelle planétaire, semble aussi nécessaire que salvatrice. Une solide filière hydrogène en remplacement de nos hydrocarbures, apparaît sur le papier comme une solution aussi vertueuse qu’efficace. Ce dossier a pour ambition de faire un point sur l’état actuel de ce que nous maîtrisons réellement de l’exploitation énergétique du plus petit et plus répandu élément de l’univers qui pourrait mettre fin à l’ère de la domination des hydrocarbures.

Août 2021. Des méga-incendies incontrôlables en Californie, en Grèce, au Maghreb, en Sibérie, viennent confirmer les conclusions de plus en plus préoccupantes du dernier rapport du GIEC*, un rapport cash, nettement moins-disant que les précédents. C’est un GIEC sans provision qui nous rappelle avec véhémence que le climat de la Terre se dérègle et qu’il faut endiguer urgemment l’effet de serre, en particulier celui causé par les émissions inédites et anthropiques de CO2 depuis 150 ans.


Quelques mois auparavant, au menu de l’actualité nous étaient proposés des inondations soudaines, des effondrements rocheux, des affaissements côtiers, la montée des eaux et la fonte des glaces, des migrations climatiques, un 6e continent plastique… Arrêtons là la litanie. Nous abimons la maison qui nous héberge, nous ne respectons pas assez la biosphère, causant la disparition de nombreuses espèces.


Selon un débat récent, la pression exercée sur la biodiversité, c’est-à-dire la diminution du nombre d’espèces couplée à l’augmentation de la densité humaine, affaiblirait les barrières immunitaires entre vivants et favoriserait la transmission des virus… donc l’apparition de pandémies. Le dégel du permafrost libèrerait aussi des micro-organismes contagieux et infectieux, cryogénisés depuis plusieurs milliers d’années ? Réchauffement climatique et pandémie seraient donc, au même titre que les évènements météo extrêmes, les migrations d’espèces et de populations, la dégradation de notre santé publique, la géopolitique de l’eau et des ressources agricoles, à minima corrélés mais plus vraisemblablement liés dans un rapport direct de cause à effet, faisant vaciller nos éculés modèles économiques hérités de la révolution industrielle.


Les premiers forages pétroliers du milieu du XIXe siècle ressemblent singulièrement à une ouverture de boîte de Pandore, qui aurait libéré tous les maux énumérés ci-dessus. Un galopant modernisme-consumérisme a pris son envol sur les pistes des champs pétrolifères, libérant malheureusement ces milliards de tonnes de CO2 issus surtout de la combustion des hydrocarbures. Ne jetons pourtant pas non plus le bébé avec l’eau du bain. L’humanité vit plutôt mieux, plutôt plus longtemps, subit moins de famines, accède à plus d’éducation, se déplace plus facilement. Mais attention à ne pas non plus trop chérir les conséquences « bien-être » des causes que nous commençons à déplorer depuis la prise de conscience que 420 ppm** de CO2 en moyenne dans notre atmosphère entretiennent d’ores et déjà un effet de serre qui mène le monde à la surchauffe et à sa perte.


Le mythe de Pandore nous enseigne que la boîte, après avoir laissé s’échapper les vices, les malheurs, les calamités de toutes sortes, libère en dernier « l’ESPOIR ». L’émission de CO2, désignée comme le facteur majeur des dérèglements auxquels nous assistons, peut-elle être endiguée ? Stoppée ? Pour atteindre dans les années à venir au moins une neutralité salvatrice, si ce n’est une réduction aussi dramatique que rédemptrice ?


Le début de la réponse est local et individuel : sobriété, frugalité, tempérance et localisme dans toutes les possibles dimensions de nos agirs. Mais prendre mon vélo ou offrir de nouvelles fleurs sur mon balcon à des abeilles solistes ne suffira sûrement pas. L’autre partie de la réponse est globale et collective. Elle est « énergétique » à défaut d’être assez énergique. Nous libérons tous directement ou indirectement du CO2 car nous nous déplaçons, nous nous alimentons, nous habitons, et nous consommons des biens de production, qui brûlent à chaque étage d’un système économico-industriel patiemment bâti depuis deux siècles, des tonnes d’hydrocarbures.


Si nous trouvons et mettons en œuvre une alternative, non émettrice de dioxyde de carbone, alors l’espoir est permis. Et bien l’HYDROGÈNE semble un candidat très sérieux pour nous faire passer de l’énergie du désespoir à l’énergie des espoirs. Sophia Mag a souhaité y consacrer un dossier pour cette rentrée marquée du sceau COVID et de ses variants, mais aussi de l’urgence climatique, et des incertitudes politiques plutôt menaçantes qui planent sur l’humanité.


L’hydrogène produit de la chaleur en rejetant de l’eau sans émettre de CO2 et dans nombre de cas précis est même un moyen à décarboner l’atmosphère. La physique et la chimie du plus simple mais plus répandu élément de l’univers semblent se combiner idéalement pour faire émerger une industrie neutre ou même négative en rejet carbone, une mobilité douce, une exploitation intelligente de l’intermittence des énergies renouvelables.


« Je voudrai vivre en Théorie, car en Théorie c’est bien », lançait Pierre Desproges, avec son espièglerie provocatrice habituelle. L’aphorisme est 100 % applicable à cet élément malheureusement peu répandu à l’état naturel sur notre planète, mais en revanche omniprésent dans nombre de molécules, en premier lieu l’eau (H2O) et le méthane (CH4). En théorie, il n’y a qu’à se baisser pour ramasser l’hydrogène et s’en servir. Dans la pratique les modes de production, de combustion, de stockage, de transport, de distribution de l’hydrogène sont autant de défis que nos infrastructures entièrement centrée sur les hydrocarbures ne sont pas encore capables de relever. Les paramètres économiques doivent aussi forcément s’ajuster, notamment le prix de la tonne de CO2 rejetée et celui du KWh d’électricité verte.


Notre dossier a pour ambition de dresser un tableau le plus exhaustif possible de la situation présente et des espoirs que nous pouvons légitimement nourrir de voir l’hydrogène prendre toute sa place dans nos économies. « Decarbonator*** » possède de vrais atouts pour réussir à atteindre nos engagements nationaux de neutralité carbone en 2050 et faire advenir un « éco-cène » attendu. Œuvrons sans tarder pour que ses filières ne tombent pas à l’eau, mais contribuent à en produire.




* GIEC : Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat

** ppm : parties par million

*** J’ose rebaptiser ainsi l’hydrogène


Parution magazine N°34 (septembre, octobre, novembre)

Qu’en pensez-vous ?

Donnez-nous votre avis

Pour vérifier que vous êtes une intelligence humaine, merci de répondre à ce questionnement lunaire.