Quelle gestion du risque en milieu aéroportuaire ?

Par La rédaction, 29 février 2024 à 16:28

Polis

L'aéroport de Nice est le deuxième aéroport de France après Paris avec plus de 100 000 mouvements d'avions commerciaux en 2023 et 14 plus de millions de passagers (on est revenu au volume d’avant pandémie). La relève d’une savante coordination entre les services de l’État et le groupe Aéroports de la Côte d'Azur qui gère les aéroports de Nice, Cannes et Saint Tropez. Corinne Cousseau, Directrice Sécurité Sûreté des Aéroports de la Côte d'Azur, a rencontré la rédaction pour vous en expliquer les coulisses.

Si la sûreté et la sécurité des aéroports relèvent du régalien, et donc des Préfets de département, ce sont les exploitants aéroportuaires qui au quotidien assurent les missions opérationnelles de protection des infrastructures et des hommes, en complémentarité avec les services compétents de l’Etat. C’est la taxe d’aéroport qui finance ces volets et l’équilibre financier entre recettes et dépenses est un savant dosage à trouver pour rester qualitatif et sûr sans impacter la compétitivité de l’aéroport.


Une responsabilité régalienne


La règlementation est dense. Corinne Cousseau nous l’énumère : « Nous sommes soumis au Code des transports, au Code de la sécurité intérieure ainsi qu’au Code de la Défense. Un arrêté préfectoral de police fixe les dispositions de sûreté et de sécurité sur l’aéroport. L’aéroport dispose d’un agrément de sûreté. Ce sont la DGAC et les services compétents de l’Etat qui réalisent les contrôles et les inspections. Nous avons été audités l’année dernière et notre agrément sûreté vient d’être renouvelé pour cinq ans. À ces réglementations françaises vient s’ajouter la réglementation européenne. »


Au niveau opérationnel, en matière de gestion de crise, plusieurs plans d’action sont déclinés en fonction de la catégorie de risques. Il existe un plan tsunami, un plan neige, un plan incident technique, un plan sécurité publique, un plan coup de mer, un plan accident aérien… En coordination avec les services de l’État, l’Aéroport a travaillé sur une cartographie des risques possibles et met régulièrement à jour les plans d’action correspondants. Certains sont uniquement destinés à l’usage interne de l’exploitant aéroportuaire, d’autres sont mis en œuvre en interinstitutionnel. L’accent est mis sur la formation. Chaque plan thématique est décliné en fiche réflexe pour former le personnel et pour le rendre agile, au cas où… S’adapter rapidement à un changement de situation, passer en mode dégradé quand il faut, chaque année, six exercices d’ampleur sont faits avec le personnel pour les confronter à une diversité de situations dans l’objectif d’une amélioration continue des processus existants. En matière de sûreté et de sécurité, le volet préparation est certainement le plus important.


Corinne Cousseau insiste sur l’importance d’une bonne coordination. « Je travaille beaucoup bien évidemment avec les services de la Préfecture et nous avons des points réguliers. Sur des situations de crise majeure, je suis en lien avec la direction des sécurités de la préfecture et je rejoins le COD, le centre opérationnel départemental, qui est l’outil de gestion de crise que le préfet active quand un événement majeur a lieu dans le département qui nécessite des mesures de coordination renforcées. Dans le cadre du dispositif ORSEC, par exemple, lors d’épisodes climatiques qui peuvent être impactant pour l’Aéroport, lors d’importantes manifestations ou d’accident de grande ampleur. Au niveau de l’Aéroport, nous avons aussi un PC crise que nous activons en cas de situation majeure impactant fortement l’aéroport. En 2023, on ne l’a activé que dans le cadre d’exercices, pour maintenir les compétences de nos agents et promouvoir une boucle d’amélioration continue. Fin 2023, on a fait un exercice cyber. On fait aussi une quarantaine d’exercices de réactivité sur site, notamment avec les pompiers et les SSIAP. »


Sûreté ou sécurité ? Une nuance d’importance


« Quand on parle sécurité, on parle de sécurité des biens et des personnes. Donc au sens de sécurité sanitaire, sécurité du travail, sécurité des ERP en tant qu’établissement recevant du public… Au sein de l’aéroport, vous avez des agents SSIAP qui sont en charge de la surveillance et la prévention incendie dans les terminaux, y compris dans les parcs de stationnement et qui peuvent aussi procéder à des interventions de premier secours. On a aussi tout le volet de la sécurité et de l’ordre public qui concerne plus particulièrement les services de police et de gendarmerie avec lesquels nous travaillons en parfaite coordination sur ces sujets. Ici on parle plutôt de délinquance, de trafic… On parle de sûreté en anticipation/réaction à un acte malveillant. Typiquement, des actions terroristes. Les attaques cyber intentionnées également, même si dans le langage courant on parle plutôt de cybersécurité.»


En matière de sécurité aéroportuaire, pour donner une idée de volume, 92 interventions de secours à personne ont été faites en décembre 2023 par les SSIAP et les pompiers de l’aéroport. En janvier 2024, 87 interventions. L’Aéroport dispose également d’une permanence médicale au sein de ses infrastructures. Il emploie plus de 500 agents de sûreté et une centaine de pompiers / SSIAP interviennent sur site 24h/24.


L’innovation n’est pas en reste. Corinne Cousseau nous le confirme « Nous sommes en train de tester un scanner corporel à l’Aéroport de Nice, en collaboration avec la DGAC. L’expérimentation se fait sur six mois. Il s’agit du premier test de cet équipement de sûreté en Europe qui est très suivi par la Commission Européenne et la France. Si l’essai est probant, le scanner sera certifié au niveau français et pourra être déployé dans d’autres aéroports.»


Le défi au quotidien reste de garantir la sécurité de chacun. « Cela peut paraître un peu prétentieux dit comme ça, mais ma Direction a été pensée pour anticiper les risques tout en garantissant une qualité de service pour nos passagers, clients et partenaires. Il y a beaucoup de passage dans les aéroports et il faut constamment surveiller et être vigilant. Encore beaucoup trop de passagers oublient leurs bagages devant les comptoirs d’enregistrement par exemple, ce qui crée souvent de la confusion. La problématique des bagages abandonnés est réelle. Dans un aéroport, vous avez toujours deux côtés : un côté en zone publique et un côté en zone réservée, qui se situe après les contrôles de sûreté. À l’Aéroport de Nice, au-delà de l’obligation d’avoir un badge pour travailler dans la zone réservée, tous les prestataires qui travaillent en zone publique doivent également détenir un badge et font l’objet d’une enquête à l’identique de ceux travaillant dans la zone réservée. Le badge d’accès est conditionnel aux résultats de l’enquête administrative réalisée par les services de l’Etat. »


La gestion aéroportuaire des grands événements


Coupe du monde de rugby, Festival international du Film de Cannes, Grand Prix de Monaco, Tour de France, et cette année bien sûr, les Jeux Olympiques… Les grands événements sportifs et culturels internationaux ne manquent pas en terre azuréenne et l’Aéroport est la première vitrine du territoire et peut être une cible d’opportunité. C’est en étroite collaboration avec les services de l’État que se fait l’accueil des délégations et des supporters. Ce qui diffère de la gestion courante est la fréquence des réunions de coordination et le renforcement des dispositifs de sécurité/sûreté habituellement en place.


Au-delà de ces mesures de prévention du risque, Corinne Cousseau livre une anecdote. « En 2022, pour la présentation de Top Gun Maverick au Festival de Cannes, la Patrouille de France a été sollicitée. Il a fallu planifier l’opération avec les services de la navigation aérienne pour que la PAF survole les marches en même temps que la montée des acteurs. Cela a été une grosse opération à préparer en lien avec l'armée, la préfecture, et les différents services. J'étais en lien avec la Patrouille de France et donc présente pour les accueillir. La concomitance organisée avec la visite de Tom Cruise sur l'aéroport a été un moment de rigueur et de glamour combinés ! De plus, les pilotes de la PAF et Tom Cruise ont pris le temps de discuter avec les personnels présents sur la plateforme. C’était un moment sympathique. »


Anticipation, Formation, Coordination. C’est en essence le triptyque à retenir en matière de sécurité aéroportuaire. Entre rigueur et glamour, les Azuréens sont plutôt bien lotis.

Parution magazine N°44 (mars, avril, mai)

Qu’en pensez-vous ?

Donnez-nous votre avis

Pour vérifier que vous êtes une intelligence humaine, merci de répondre à ce questionnement lunaire.