Vous avez dit 'intelligence artificielle'... Et si on parlait stratégie d'entreprise

Sophia-Antipolis était du 7 au 9 novembre le siège d’un premier sommet consacré à l’Intelligence Artificielle. Cet événement offrait la possibilité de se confronter à ce qu’il convient de désigner comme une innovation de rupture. Le choix d’intervenants brillants a offert un panorama d’une exceptionnelle qualité de leurs travaux mêlant sciences dures et sciences sociales avec un éclairage épistémologique positionnant l’IA dans l’histoire de la connaissance. Et l’entreprise dans tout cela ? La réponse est nette : c’est une révolution en marche, les entrepreneurs présents, jeunes pour la plupart, n’étaient pas là par hasard.

En quoi s’agit-il d’une révolution ? Chacun s’accordera sur le constat suivant : l’entreprise doit s’adapter à son environnement : industriel, technologique, etc. et à son marché. Toutefois, l’exercice a pour écueil l’immensité et l’hétérogénéité des données à traiter. L’IA apparaît comme une solution, naissante certes, mais probante.

La collaboration entre la Fnac et Tinyclues, présentée durant l'édition 2015 du salon Big Data Paris, en est une illustration. Les algorithmes de Machine Learning ont permis un ciblage des clients d'une précision sans précédent, permettant d'anticiper leurs futures consommations en analysant leurs achats les plus récents. Après un an de test, la Fnac annonçait une augmentation de 30 % du chiffre d'affaires sur les campagnes de promotion utilisant le procédé. Disons qu’en matière marketing stratégique la cause est entendue. Le traitement des données en grand nombre outillé de réseaux de neurones permet d’établir des liens entre des actes de consommation sans pour autant fournir une compréhension des logiques individuelles de choix. Ainsi, la capacité prédictive l'emporte sur la visée explicative et compréhensive. L’argument de vente d’une telle prédiction reste le chiffre d’affaires.

Dans le secteur du recrutement, LinkedIn a passé en revue ses membres listant au moins une compétence en Machine Learning dans leurs profils. Ces profils ont été analysés entre avril 2017 et mars 2018 afin de découvrir quelles sont les compétences dont disposent le plus souvent les pros du Machine Learning au préalable, et à quel moment ces compétences ont été acquises.

L’IA permet de corréler, mais corrélation n’est pas raison*. Pour l’instant, l’IA s’efforce de reproduire de façon rudimentaire le système neuronal du cerveau humain. Lors de la conférence IA/Biologie – générique, Yves Agid** en a fait la démonstration, le système neuronal moteur de l’apprentissage profond est loin d’imiter l’intelligence humaine. Pourtant, le réseau de neurones, si rustre soit-il, permet d’accéder à la richesse de textes réservée jusqu’alors aux philologues les plus experts. Les applications Hyperbase.unice et DEEPTEXT.unice offrent une exploration inédite de l’écrit et de la communication, voire de sa propre communication. Accessibles à tous***, outre leur caractère ludique, elles permettent de s’exercer à l’IA à partir de ses propres données.

L’IA s’affiche dès maintenant comme un facteur stratégique différenciant d’une entreprise. Il est temps d’apprivoiser ces formes d’intelligence et de deep learning et d’explorer ce qu’elles peuvent apporter à l’entreprise.

* La confusion entre corrélation et causalité est appelée effet cigogne en référence à la corrélation trompeuse entre le nombre de nids de cigognes et celui des naissances humaines

** Membre de l'Académie des sciences et fondateur de l'Institut du Cerveau de la Moelle épinière

*** Il est diffusé par le CNRS et l'Université Nice Sophia Antipolis et est conçu et développé par Étienne Brunet, assisté de Laurent Vanni (laurent.vanni@unice.fr ), au sein de l'UMR Bases, Corpus, Langage1. Le logiciel est principalement utilisé pour les ouvrages de linguistique, littérature, histoire, sociologie ou sciences politiques. http://hyperbase.unice.fr/ ou http://deeptext.unice.fr/