Au cœur de l’invention des nouvelles mobilités urbaines, BRP Design Team
Quoi d'9 ?
La dream team Design & Innovation © BRP
Plus de 80 ans après la création de la première autoneige au Canada (1942), 64 ans après le développement de la première motoneige moderne (1959), le groupe canadien Bombardier Recreational Products, communément raccourci en BRP, fait toujours rêver les adeptes des mobilités tout-terrain. Entretien avec Nicolas Deluy, directeur du site de Sophia Antipolis et chef des services Concepts avancés et Design pour l’antenne européenne du département Design & Innovation.
C'est à partir de Valcourt au Canada que Joseph-Armand Bombardier, puis Laurent Beaudoin et depuis vingt ans José Boisjoli, actuel CEO de l’entreprise, ont développé la bête et que l’entreprise s’est hissée au rang de leader mondial des produits récréatifs. Motos 3-roues Can-Am, karts Rotax, motoneiges Ski-Doo et Lynx, jet-skis Sea-Doo, bateaux Alumacraft, Manitou et Quintrex, huit marques phares présentes dans les deux-tiers du globe génèrent aujourd’hui plus de 7 milliards d’euros annuels de chiffre d’affaires, de quoi continuer d’être inventif, dans le même esprit qu’aux origines.
Une antenne design de BRP s’est installée au printemps dernier sur Sophia Antipolis, en rez-de-chaussée du Centrium, entre Flex-O et le Café Laffitte. Nicolas Deluy, directeur du site et chef des services Concepts avancés et Design pour l’antenne européenne du département Design & Innovation, a pour mission de comprendre et d’analyser les usages européens en matière de mobilité urbaine et péri-urbaine et d’extraire le jus créatif de son équipe pour imaginer les nouvelles mobilités de demain. Vaste chantier qu’il décrypte pour SophiaMag.
BRP s’est installé récemment sur la technopole. Pourriez-vous nous expliquer le cœur de votre activité sur le site de Sophia Antipolis et présenter votre équipe ?
En France, BRP n’avait jusqu’à présent qu’un seul bureau à Meyreuil, près d’Aix-en-Provence, avec une quinzaine d’employés pour gérer les 74 concessionnaires de sports motorisés en France. L’antenne de Sophia qui vient d’ouvrir est le deuxième bureau en France et a été spécifiquement orientée vers le design de nouveaux produits adaptés au marché européen.
Le bureau de Sophia est la première excroissance européenne du centre de recherche et de développement de BRP qui est localisé au siège de Valcourt, au Canada. Le département Design et Innovation regroupe 130 personnes au siège, et une autre antenne Design & Innovation existe en Floride, spécifiquement orientée nautisme. Sophia Antipolis, Valcourt et Palm Bay travaillent en collaboration pour penser les mobilités de demain. Chaque marque a sa propre équipe de développeurs designers qui travaille sur le développement de futurs produits et fonctionne dans une logique de mise en marché à moyen terme. C’est le mode opératoire de BRP depuis des années. Denys Lapointe, Chief Design Officer, qui a créé le département Design & Innovation, a cherché à insuffler une dynamique de design ancrée dans le réel qui puise son inspiration des usages. Beaucoup de passerelles existent avec les équipes de design transport de l’industrie automobile et nautique. Rien de surprenant à cela et les salariés naviguent régulièrement d’un secteur à l’autre. Avant de prendre ce poste sur Sophia, j’ai moi-même passé près de vingt ans chez PSA, entrecoupés par une expérience de douze ans au siège de BRP au Canada.
L’équipe de Sophia est à date composée de onze personnes de huit nationalités différentes et a pour mission de développer des produits innovants basés sur les besoins européens en matière de petite mobilité. Alexandre Lecointre, Alice McDonald, Anssi Mustonen, Edouardo Arndt, Emmanuel Rius, Giorgia Gaveglio, Jean-Alexandre Cassoret, Jules Fontvielle, Maxime Dumont, Yanmou Ni. De la Finlande à la Chine, via le Brésil, l’Italie, la France le Canada, les États-Unis et le Japon, ce melting pot interculturel de talents est aux manettes pour penser les modes de transport utiles du futur. Tout ce qui est alternatif à la voiture. Tout ce qui est léger, maniable, ergonomique, confortable pour un usage pratique. Designer couleur et matière, construction assistée par ordinateur, code designer, sculpteur, l’équipe est complémentaire et des collaborations avec des entreprises sophipolitaines et azuréennes sont déjà en cours. Pour le prototypage de la maquette de base en mousse par exemple, BRP et les entreprises antiboises L2Concept et Factory Unit travaillent de concert. Dans la secrète Clayroom de BRP ensuite, les mains de Giorgia font le reste pour donner forme à la maquette en argile.
BRP a choisi de mettre le cap sur l’électrique à l’instar du virage qu’a pris l’industrie automobile. Pourriez-vous nous en dire un mot ?
BRP s’est engagé à plein dans une transition technologique qui va révolutionner ses processus classiques de production. Chaque département de l’entreprise au Canada et aux États-Unis est en train d’intégrer le volet électrification dans ces process et l’entreprise a créé l’année dernière le groupe LVHA (Low Voltage & Human Assisted) afin de développer de nouvelles gammes de produits électriques à basse tension. LVHA joue aujourd’hui un rôle phare dans la création du tout nouvel écosystème de produits électriques au sein de BRP et nous travaillons en étroite collaboration avec eux sur le site de Sophia.
Ce passage à l’électrique relève d’une réelle stratégie d’entreprise et au vu des changements de mentalité et des nouvelles règlementations, c’était aussi inévitable. Rappelons que l’Union européenne a validé en début d’année l’interdiction de la vente de voitures neuves à moteur thermique à partir de 2035. Tous nos produits étant motorisés par Rotax, la marque BRP de moteurs pour véhicules récréatifs, les chaînes de production sont en ce moment pleinement impactées par le virage en cours.
Sur tout ce qui touche à la petite mobilité, BRP cherche à développer des produits à assistance humaine et travaille notamment sur le gain de poids pour rendre ses produits plus légers et maniables en contexte urbain. À noter que BRP a pris une participation stratégique l’année dernière au capital de Pinion GmbH (80 %), une entreprise allemande pionnière de la technologie des boîtes à engrenages pour vélos classiques et vélos électriques. Ces boîtes sont de haute technologie et s’inspirent de celles des transmissions automobiles. La petite reine életrique Can-Am n’est donc peut-être plus très loin… Le groupe investit également de plus en plus sur le développement d’engins à basse tension et a récemment racheté l’entreprise autrichienne Great Wall Motor Austria GmbH, centre R&D spécialisé dans les véhicules électriques de pointe et dans les systèmes de transmission électrique. Au niveau de Sophia, nous accompagnons ces objectifs et ces mutations organisationnelles dans nos champs de compétence.
A l’occasion des cinquante ans de la marque Can-Am qui avait plutôt dévié vers les motos 3 et 4 roues ces dernières années, loin de la motocross d’origine, le groupe vient de confirmer le lancement commercial courant 2024 de deux motos électriques, Pulse et Origin, une moto roadster et une moto trail. C’est en fait un retour aux sources puisque la marque Can-Am est née au début des années 70 par la commercialisation des premiers motocross. BRP profite ici de l’évolution technologique vers l’électrique pour se repositionner sur le marché mondial des deux-roues. Plus saisonnière, la motoneige électrique arrive aussi cette année en début d’hiver et au vu de la nouvelle expérience de conduite (plus silencieuse), risque d’attirer de nouveaux aficionados.
De votre point de vue, quels sont les principaux enjeux qui affectent ce secteur des mobilités ?
BRP s’inscrit dans une réalité industrielle qui est largement drivée par l’industrie automobile. Cette industrie a choisi l’électrique en terme de virage technologique. BRP a suivi le mouvement. Le virage technologique aurait pu être l’hydrogène. Lorsque je travaillais chez Peugeot, j’ai vu des concept cars à hydrogène qui étaient développés. Mais c’est finalement l’électrique qui s’est imposé, en-dehors des transports publics.
En termes de produits, il me semble important de travailler à développer une diversité de solutions et de ne pas se cantonner à une seule approche. L’intention, chez BRP, est de développer un panel des possibles, sans guider les préférences.
L’IA reste un sujet un peu particulier. En terme de HMI (Human Machine Interface), sa valeur ajoutée n’est plus à prouver dans les études d’ergonomie globale et dans l’intégration des contraintes de sécurité (assistances anti-capotage ou ABS). Pour la partie design en revanche, lorsqu’on utilise un logiciel de type MidJourney, c’est un peu différent et ça soulève des questions en termes de propriété intellectuelle. Quand on appuie sur un bouton, on peut avoir jusqu’à 5 000 ou 10 000 itérations possibles. Est-ce que le designer va être capable de faire une bonne sélection ? Et dans la négative, à quoi bon avoir autant de propositions si au final, la quasi-totalité se perd ? C’est un réel sujet chez les créatifs. Dans tous les cas, nous devons tenir compte de l’IA au vu de la puissance de l’outil, reste à trouver l’usage le plus pertinent.
Un autre sujet concerne les matériaux intelligents. Pour améliorer l’aérodynamisme de l’engin ou pour réduire le poids, donc la consommation d’essence, même si le poids des batteries ne va pas dans le même sens. Et puis il y a tout le sujet du recyclage qui reçoit de plus en plus d’écho ces derniers temps. Le plastique n’a plus la cote et il nous faut maîtriser la durée de vie de nos produits. C’est une réelle volonté de l’entreprise de trouver de nouveaux matériaux intéressants. J’ai récemment visité le showroom d’Accenture sur Sophia et ils ont toute une panoplie de nouveaux matériaux qu’ils expérimentent. Comme dans l’industrie automobile, ce sont les équipes Couleurs et Matières qui explorent ces nouveaux champs. On utilise aussi des outils paramétriques pour faire des formes de plus en plus complexes qui s’adaptent à tous types de véhicules.
Toujours en contact avec Philippe Servetti et Sylvain Rouget qui ont aidé l’entreprise à s’installer sur Sophia à l’époque de Team Côte d’Azur (leur casquette institutionnelle est désormais au sein de la Fondation), Nicolas Deluy ratisse large, se tourne aussi du côté des ports pour explorer les besoins au niveau du nautisme européen. Qui sait ? Augmenter les flux pendulaires en passant par la mer et réduire la pression sur route du littoral sera peut-être aussi bientôt dans le champ des possibles, à côté de la petite reine Can-Am électrique. Dans l’attente, BRP se positionne sur son nouveau territoire et lance un appel au recrutement pour des ingénieurs mécaniques. Les équipes de Nicolas sont ici pour durer.
BRP en chiffres...
- 23 000 employés dans 26 pays
- 8 marques
- 3 250 concessionnaires répartis dans 120 pays
- 7 milliards d’euros de revenus annuels
- Siège historique à Valcourt au Canada (1 100 employés)
- Bureaux régionaux en Allemagne, Australie, Belgique, Brésil, Canada, Chine, États-Unis, Finlande, France, Japon, Mexique, Norvège, Nouvelle Zélande, République tchèque, Suède, Suisse
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