BiOceanOr met l’intelligence artificielle
au service de l’aquaculture

Par Emmanuel Maumon, 17 mai 2023 à 08:14, Sophia Antipolis

Planète bleue

Implantée à Sophia Antipolis, BiOceanOr propose des solutions de suivi de la qualité de l’eau. Pour cela, elle a créé des stations sous-marines connectées qui mesurent en temps réel une quinzaine de paramètres. Grâce à l’intelligence artificielle, ces stations peuvent même prédire leur évolution à 48 heures. Une aide déterminante pour l’aquaculture qui peut ainsi limiter ses pertes de production en maîtrisant l’alimentation des poissons. BiOceanOr utilise également ces stations pour la surveillance environnementale des milieux aquatiques. Rencontre avec Samuel Dupont, le président fondateur de cette start-up en plein développement. 

Samuel Dupont, peut-on tout d’abord retracer brièvement votre parcours et ce qui vous a incité à fonder, avec votre femme, BiOceanOr en 2018 ?


Je suis issu de la recherche publique. J’ai fait un doctorat en biologie marine durant lequel j’ai pu appréhender différentes problématiques de biodiversité marine et de l’impact de la qualité de l’eau sur cette biodiversité. J’ai notamment beaucoup étudié l’impact de la qualité de l’eau sur les productions aquacoles. De son côté, ma femme Charlotte avait également fait des études doctorales mais plus en biologie appliquée à la mathématique, ce qui permet de modéliser les process. C’est pour cela, à la suite des constats effectués sur le terrain, que nous avons décidé de nous associer pour proposer des solutions innovantes sur la prédiction des risques en milieu aquatique.   


Au départ, vous avez créé une station météo sous-marine connectée pour suivre et contrôler à distance la qualité de l’eau. Quelles sont les spécificités de votre solution AquaREAL et concrètement, comment fonctionne votre dispositif ?


Nous sommes partis du constat que pour arriver à la prédiction de la qualité de l’eau, nous avions besoin de données en entrée de nos modèles. Nous avons donc développé une station de mesures qui permettait de faire le lien entre un capteur classique et le monde de l’intelligence artificielle. Entre 2018 et 2020, nous avons accumulé beaucoup de données sur toute la planète afin d’entraîner nos modèles et surtout de construire notre modèle de prédiction. Nous avons choisi de commencer par un des paramètres clés de la biodiversité marine et de l’équilibre physico-chimique des milieux aquatiques : l’oxygène dissous. 



Aujourd’hui, nous sommes donc capables de récupérer de la donnée sur le terrain, de la transmettre en temps réel aux clients, mais aussi de prévoir l’évolution de certains paramètres dans les 48 heures à venir. L’aquaculture a besoin de pouvoir anticiper les opérations à mener au quotidien sur les fermes et les process d’alimentation des cheptels élevés. Nos solutions sont capables de donner à nos utilisateurs le meilleur moment pour aller alimenter. Cela leur permet de réduire leurs coûts, mais aussi de limiter leur impact environnemental.    


Nous mesurons, toutes les 5 à 20 minutes en fonction des paramètres, une quinzaine de facteurs physico-chimiques. Ces mesures sont remontées sur notre serveur AquaREAL et, à partir de là, nos algorithmes ingèrent ces données, auxquelles on ajoute des données météo et satellitaires. Fort de ces données, notre modèle peut prédire l’évolution de ces paramètres. Des prévisions accessibles pour nos clients à partir d’une plateforme web. Elles sont parfois accompagnées de recommandations formulées par notre équipe composée pour un tiers de biologistes et de vétérinaires capables d’accompagner nos clients dans la meilleure prise de décision. 


Des solutions qui limitent les pertes de production  


Aujourd’hui nos solutions visent principalement à réduire le taux de mortalité en aquaculture. Les pertes de production peuvent être très importantes si certains paramètres ne sont pas maîtrisés. Le deuxième bénéfice est de pouvoir respecter au mieux le bien-être et la santé des animaux puisque lorsqu’on alimente un poisson au bon moment, il va être aussi dans de bonnes conditions pour digérer cet aliment.     


Nous sommes capables d’adapter notre dispositif à une diversité de situations. Aujourd’hui, nous avons des solutions en Australie, en Nouvelle Calédonie, au Chili ou en Norvège. Ce qui fait notre force, c’est de pouvoir nous confronter à différentes conditions qui n’ont strictement rien à voir entre elles. Quand on rentre dans une ferme de saumon en Norvège, c’est comparable à un centre de contrôle de la NASA où il y a des écrans partout qui surveillent les fermes à distance, qui sont capables de faire monter et descendre des cages dans l’eau. Un ostréiculteur en France n’est pas à ce niveau de digitalisation et gère plus une petite exploitation. Nous avons fait le choix de ne pas nous focaliser sur une partie, mais d’accompagner les deux types d’exploitation.


Aujourd’hui, quels sont les principaux utilisateurs de vos solutions ?


Si l’on prend en considération notre chiffre d’affaires, 80 % de celui-ci est réalisé sur la partie aquaculture. Cela peut être un producteur de saumon, un producteur d’huîtres en France, ou encore un producteur de daurades et de bars en baie de Cannes. Ce sont des gens que nous accompagnons au quotidien dans leurs différents métiers. Géographiquement, le bassin méditerranéen est notre principal marché sur l’aquaculture que nous appelons 1.0 car elle est moins digitalisée. Pour l’aquaculture 2.0, nos marchés cibles sont la Norvège et le Chili qui sont les deux premiers pays producteurs de saumon au niveau mondial.  


La Méditerranée est un lieu idéal pour l’aquaculture. Je le pense vraiment et je ne suis pas le seul de cet avis. Nous avons reçu une délégation de la FAO à qui nous avons fait visiter certains sites aux alentours avec lesquels nous travaillons. Elle a été grandement surprise de l’espace dont nous disposions et que nous allions acheter du poisson ailleurs alors que nous pourrions le produire localement. Effectivement, quand on va acheter un bar ou une daurade au supermarché, ils proviennent généralement de l’aquaculture grecque. Il y aujourd’hui très peu de poissons issus de la pêche ou alors il faut les payer très cher. Si l’on veut remédier à ce problème, il faut développer l’aquaculture. La Méditerranée est un bon endroit pour le faire. Cela permettrait aussi d’assurer une certaine sécurité alimentaire et la France doit s’orienter dans cette voie. 


La surveillance environnementale, l’autre facette de BiOceanOr  


Si 80 % de notre chiffre d’affaires provient de l’aquaculture, le reste est lié à l’environnement. Nous travaillons notamment avec la Métropole Nice Côte d’Azur pour surveiller l’embouchure du Var. Nous avons installé deux dispositifs pour mieux comprendre les phénomènes de pollution charriés par le Var et qui viennent impacter les plages aux alentours. Nous travaillons également sur la prédiction des risques et l’étude de l’impact milieu qui se trouve en aval des stations d’épuration. Ceci afin de mieux comprendre les pollutions qui se déversent et de les limiter pour préserver l’environnement. Plus loin de la région, nous avons aussi déployé des dispositifs en Nouvelle Calédonie et en Australie pour surveiller la barrière de corail et analyser le phénomène de blanchiment des coraux. Nous avons donc tout un panel de solutions en matière de surveillance environnementale. C’est une partie de notre business qui prend de plus en d’ampleur, notamment car nous avons des contrats d’importance avec des grands noms du traitement de l’eau aussi bien en France qu’à l’international.


Justement, peut-on faire le point sur le développement de BiOceanOr en France et à l’international ?


Aujourd’hui, nous sommes beaucoup plus développés à l’international qu’en France. Les 80 % de notre CA sur l’aquaculture, nous les réalisons principalement à l’international. Depuis 2018, nous avons créé une représentation en Norvège pour embaucher directement du personnel qui accompagne nos clients sur place. Nous sommes également très présents au Chili avec une trentaine de personnes sur place, commercialement et techniquement. Nous avons aussi un réseau d’agents commerciaux à Singapour, en Nouvelle Calédonie et ici en Méditerranée. Si nous avons désormais cinq ans d’existence, nous n’avons commencé la commercialisation active de nos solutions qu’il y a un peu moins d’un an. En 2022, nous avons fait moins de 500 000 euros de chiffre d’affaires mais nous avons un objectif de plus d’un million en 2023, avec une bonne partie déjà sécurisée depuis le début de l’année.   


Une startup en pleine croissance


Nos perspectives de développement dans les années à venir sont triples. La première, c’est de recruter des talents pour nous permettre de continuer à innover, de bien accompagner nos clients et d’avancer. La seconde est d’accélérer commercialement en étant présents de plus en plus sur des territoires qui nous attendent. Outre la Norvège et le Chili, il faut dès demain se pencher sur d’autres pays en très forte expansion sur l’aquaculture, comme l’Équateur ou Singapour. Enfin, le troisième objectif consiste à accélérer techniquement pour garder une longueur d’avance sur la concurrence.  


Le secteur de la pêche traditionnelle connaît des difficultés. L’aquaculture représente-t-elle une solution d’avenir incontournable ?


J’en suis persuadé. Il y a encore des domaines marins à exploiter et il faut supporter des exploitations, typiquement comme celle d’Aquafrais Cannes. Nous n’avons pas d’actions chez eux, mais nous les connaissons bien puisque nous travaillons avec eux et que nous surveillons leur environnement. Ils font des choses positives pour l’environnement et des produits de grande qualité. Les gouvernements sont en train de resserrer la vis sur les quotas de pêche et de toute façon il y a beaucoup moins de poisson. L’aquaculture est donc une solution pour nourrir la planète. En tant que français et européen, je ne pense pas que l’on manquera de poisson un jour, mais il faut penser aux pays en développement. Nous travaillons d’ailleurs sur des projets en Afrique, notamment sur la production de tilapia. Un poisson endémique de la zone qui est de plus en plus élevé car il peut facilement subvenir aux besoins d’une population et ça c’est vraiment très important.   


Parution magazine N°41 (juin, juillet, août)

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