Energy Observer, une incroyable odyssée pour tester les énergies de demain

Par Emmanuel Maumon, 30 novembre 2023 à 13:50

Planète bleue

Victorien Erussard, capitaine et directeur du projet Energy Observer, est un expert de la transition énergétique dans le nautisme. Le bateau sur lequel il navigue depuis sept ans a entrepris une incroyable odyssée sur toutes les mers de la planète pour tester différentes énergies renouvelables. Un système énergétique dont l’hydrogène est la clé de voûte, mais qui laisse aussi la place au solaire et à l’éolien.

Officier de marine marchande, Victorien Erussard était aussi un adepte de la course au large, discipline dans laquelle il a écumé les podiums, notamment sur la Route du Rhum ou la Transat Jacques Vabre. En 2013, alors qu’il était en seconde position d’une course, son bateau se retrouva privé d’énergie entre les îles du Cap Vert et le Brésil. Son rêve de victoire envolé, Victorien Erussard resta traumatisé par cet incident. Ce passionné de la mer trouvait que les bateaux n’étaient pas assez bien conçus pour faire face à de pareilles avaries. Dans le même temps, il se désolait devant la dégradation des océans suite à la pollution et au changement climatique. Un déclic se produisit chez lui et il décida d’en finir avec sa chasse aux trophées sportifs pour mettre toute son énergie et ses compétences au profit d’un projet d’intérêt général : Energy Observer. Un bateau autonome en énergie, construit à partir de la reconversion d’un navire de légende qui remporta notamment le trophée Jules Verne, le record du tour du monde à la voile. Parmi ses partenaires principaux, le groupe ACCOR, Air Liquide, Thélem assurances et le groupe BPCE via notamment Nautibanque, son centre d’affaires dédié au nautisme.



Un laboratoire pour tester les énergies renouvelables


Avec Energy Observer, Victorien Erussard voulait développer un navire laboratoire, capable de préfigurer les réseaux et les systèmes énergétiques de demain. L’idée était d’explorer différents types de technologie pour parvenir à naviguer autour du monde en ayant le moins d’impact possible sur l’environnement. Parmi ces sources d’énergie figure au premier plan l’hydrogène qui, lorsque l’aventure a démarré, n’existait pas dans la mobilité maritime. L’équipe d’Energy Observer a créé un système permettant de produire l’hydrogène à bord du bateau, à partir de l’électrolyse de l’eau de mer. L’hydrogène s’est révélé particulièrement intéressant de par sa capacité de stockage, sans avoir à embarquer un système aussi lourd que des batteries dont le poids est incompatible avec un bateau désirant faire le tour du monde.


Dans sa volonté d’être un laboratoire de la mixité énergétique, Energy Observer a également testé différents types de panneaux photovoltaïques et diverses solutions éoliennes comme des petites turbines à axe vertical ou des ailes de kite. L’énergie solaire a donné d’assez bons résultats, mais surtout parce qu’Energy Observer ne cherchait pas à aller vite avec ses cinq nœuds de moyenne. A faible vitesse, le solaire s’est révélé performant et a permis d’assurer près de la moitié de l’équilibre énergétique du bateau. Par contre, les premières solutions testées pour l’éolien n’ont pas été concluantes. Du coup, l’équipe en a testé une autre : les fameuses Oceanwings. Des ailes de propulsion vélique qui, elles, ont fait la preuve de leur grande efficacité. Elles viennent d’ailleurs d’être intégrées récemment sur un cargo affrété par Ariane Group pour le transport en Guyane de différents éléments de la fusée Ariane 6.



Sensibilisation du public, l’autre mission d’Energy Observer


Avec Energy Observer, Victorien Erussard s’est assigné une autre mission : la sensibilisation du public autour de l’odyssée entreprise par le navire sur toutes les mers du globe. Un périple de près de sept ans, avec plus de quarante pays visités et trois traversées océaniques majeures : l’Atlantique en 2020, le Pacifique en 2021 et l’océan Indien en 2022. Actuellement, le bateau entreprend une nouvelle mission visant à explorer toutes les solutions autour des carburants de demain sur toute la côte est des Amériques du Sud et du Nord où la mission s’achèvera à New-York. De là, Energy Observer reprendra la mer pour un retour en France pour les Jeux Olympiques de Paris 2024, le point final de cette incroyable odyssée. 


Pour faire part au public de ses retours d’expérience, Energy Observer a recours à différents outils. Il a réalisé tout d’abord treize films documentaires avec le groupe Canal Plus et produit plus de 500 vidéos mettant en avant les pionniers du développement durable rencontrés à travers le monde. Par ailleurs, un village itinérant, avec une exposition immersive, est déployé sur la plupart de ses escales. C’est un lieu de rencontres et d’échanges qui a déjà accueilli près de 500 000 visiteurs. Le parcours de ces derniers est rythmé par différents thèmes autour du navire laboratoire et des solutions qu’il met en lumière. Ce village est l’outil phare de la Fondation Energy Observer créée afin de fédérer les expertises pour accélérer la transition énergétique, lutter contre la pollution marine et sensibiliser au potentiel de l’hydrogène.



L’hydrogène, clé de voûte du système


L’hydrogène constitue la clé de voûte du système énergétique d’Energy Observer. Victor Erussard estime qu’il sera un vecteur essentiel de la transition énergétique, à condition d’utiliser un hydrogène vert, produit à partir de sources bas carbone. Son ambition est de le produire à partir de l’électrolyse pour casser la molécule d’eau H2O afin de séparer l’oxygène de l’hydrogène. Cet hydrogène pourrait réduire l’impact de l’industrie, et également être impactant en matière de mobilité et d’agriculture. A l’horizon 2050, l’hydrogène vert pourrait représenter 18 % de la demande d’énergie finale et diminuer de 20 % les émissions de gaz à effet de serre. Couplé à l’efficacité énergétique, à la sobriété et d’autres types de technologie, l’hydrogène sera la révolution qui nous permettra d’atteindre nos objectifs de réduction de CO2.


Pour utiliser l’hydrogène à bord d’Energy Observer, il convient non seulement de le produire, mais aussi de le stocker et enfin le convertir en électricité avec une pile à combustible. Pour réaliser ces différentes étapes, l’équipe s’est appuyée au début sur certains partenaires de l’opération comme le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, Air Liquide ou Toyota. Mais au fil du temps, elle a progressivement acquis son indépendance. Composée désormais d’une centaine de personnes, l’équipe d’Energy Observer dispose en effet de son propre bureau d’études et de tous les ingénieurs nécessaires pour mener à bien des projets de R&D. Le bilan du fonctionnement de ces divers éléments est d’ailleurs très positif. Ils ont prouvé leur efficacité lors des 60 000 miles nautiques de navigation, soit l’équivalent de trois fois le tour de la terre. Une navigation dans des conditions parfois extrêmes puisqu’Energy Observer est allé jusqu’à 1 000 kilomètres du pôle Nord, mais aussi dans des zones équatoriales où il fait très très chaud.



Energy Observer 2, un nouveau projet pour la marine marchande


Pour s’imposer face aux énergies fossiles, l’hydrogène devra néanmoins réduire son coût par la massification et l’industrialisation des solutions qu’il propose, mais aussi par la diversification de ses domaines d’utilisation. Justement, Victorien Erussard travaille actuellement sur un second projet qui n’est pas une réplique en un peu plus grand d’Energy Observer. Energy Observer 2 entend être un bateau utile pour la marine marchande, un secteur clé de l’économie mondiale puisque l’immense majorité des marchandises sont transportées par des porte-conteneurs. Energy Observer 2 sera un véritable cargo destiné au transport de marchandises, qui naviguera sans émission grâce à l’hydrogène. Mais si les solutions adoptées pour Energy Observer conviennent bien pour un bateau de plaisance, elles sont totalement inopérantes pour un navire de commerce. 


Ancien officier de marine marchande, Victorien Erussard cherche donc à réaliser son rêve de mettre au point un navire de charge propulsé par des moteurs électriques alimentés par des piles à combustible d’une puissance cent fois supérieure à celles d’Energy Observer. Des piles à combustibles utilisant non pas de l’hydrogène gazeux, mais de l’hydrogène liquide stocké à moins 253 degrés. Une manière de prendre moins de place pour le stockage. Si le projet est en phase d’études, l’objectif est de le transformer rapidement en véritable solution industrielle. Si tout se passe bien, Victorien Erussard espère bien pouvoir annoncer le lancement de la construction du navire dès le début de l’année prochaine.

Parution magazine N°43 (décembre, janvier, février)

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