Garage hors les murs, cette innovation d’usage qui révolutionne le secteur

Par La rédaction, 1 septembre 2023 à 13:44

Quoi d'9 ?

En six ans, GOMECANO est passé du concept au concret à 372 km/h. D’un simple hasard (une panne, un samedi, deux copains dont un mécanicien), l’entreprise sophipolitaine a réussi à fédérer plus de 200 mécaniciens diplômés indépendants dans toute la France via le développement d’une plateforme de mise en relation version web 3.0.

C'est une révolution d’usage. Et c’est dans l’air du temps. GOMECANO aura fait partie des précurseurs en mettant en œuvre dès 2017 une idée finalement très simple, faire réparer sa voiture chez soi ou sur son lieu de travail au créneau de son choix. Six ans plus tard, l’entreprise emploie une quinzaine de salariés, fait plus de 15 000 interventions par an et les deux dirigeants viennent d’être contactés par Visa Premium pour les intégrer dans sa liste de conciergerie. Entre les deux, quatre versions de site internet, trois levées de fonds, une approche commerciale qui a su progressivement se muscler et la constitution d’une équipe solide, motivée et fiable pour faire tourner la machine.


La valeur de l’entreprise repose essentiellement sur son approche. Une masse salariale compétente et peu développée en volume. Un réseau de mécaniciens indépendants fidèle et bien disséminé géographiquement (arc méditerranéen, région lyonnaise, Bordeaux, Hauts de France, Ile de France). Une relation win-win entre l’entreprise et les mécaniciens qui ont adhéré au concept, l’entreprise apportant le flux (clients, back office technique), le mécanicien la compétence et la relation de proximité avec l’usager final. Entre GOMECANO et les Gomécaniciens, pas de relation exclusive et un process très simple de facturation basé sur un récapitulatif hebdomadaire des interventions effectuées. Pour fidéliser les mécaniciens et éviter le nomadisme contreproductif, le taux horaire perçu est à plus de 50 euros et la relation de confiance s’affiche à double sens.


Croissance endogène et/ou exogène, quelle est la bonne temporalité ?


Si depuis quelques années, l’entreprise est en hyper-croissance, les débuts de son développement auront été largement endogènes avec les deux co-fondateurs aux manettes, Mathias Boutsen sur le volet métier et Alexandre Nivesse sur les aspects de gestion. Ils ont usé les bancs du même collège, ils se connaissent bien, ils sont complémentaires. Leur sauce prend et illustre encore une fois la force d’un bon duo.


Les premiers clients seront l’entourage. La famille bien sûr, les anciens employeurs, et comme à beaucoup de débuts, le mode opératoire est artisanal. Le premier site internet est une page vitrine unique avec un 04 pour appeler le service proposé de mécanicien mobile. Les premiers partenaires qui ont cru au projet sont le réseau Initiative qui finance la première camionnette, puis la bourse French Tech de la BPI et le réseau Entreprendre.


2019, ça s’accélère. Silence. GOMECANO incube. C’est à l’antenne sophipolitaine de l’incubateur de startups innovantes Telecom Paris Eurecom Entrepreneurs qu’ils rencontrent Marion Landes, la directrice de l’incubateur, qu’ils débauchent deux ans plus tard pour leur société. C’est pendant cette période que le site s’étoffe : ajout d’un formulaire de contact (v2 du site), premier chiffrage pour première version de site marchand (v3), ajout de fonctionnalités d’un site marchand classique en intégrant une expérience de parcours client (v4, l’actuelle version, la plus professionnelle, lancée en septembre 2021). Une v5 encore plus performante est aujourd’hui en cours de développement.


Ces évolutions de plateforme ont été facilitées par une série de levées de fonds. La première en 2019, auprès des Business Angels de Sophia, après avoir été lauréat du concours de startups Get in the Ring qui a rassuré l’écosystème local (450 000 euros). Une deuxième levée de fonds est effectuée quelques mois plus tard auprès du fonds Région Sud Investissement et de business angels (2 millions). Une troisième levée de fonds, en décembre 2022, concrétise l’entrée du fonds d’investissement de Mobivia, Via ID, au capital de la société. Le volet immatériel des rencontres et des conseils reçus pendant ces processus de levées de fonds successifs n’est pas à négliger dans ce succès entrepreneurial. À noter l’implication très en amont de Rise Partners auprès des dirigeants, l’accompagnement du Village by CA et de l’accélérateur Allianz, puis du Moove Lab à la Station F, et un ancrage historique fort dans le secteur de l’activité - l’automobile - qui a permis plusieurs mises en réseau de qualité, notamment pour le développement de la dernière version de la plateforme qui est l’outil commercial principal de l’entreprise. Pas de cocorico ici, la société est belge. GOMECANO n’en tisse pas moins des liens stratégiques sur Sophia et sur la Côte d’Azur et profite de son ancrage local pour tester la fonctionnalité de boîtiers connectés pour passer à la prochaine étape. Certaines flottes de clients professionnels historiques en sont déjà équipées.


Finances & compétences, les deux difficultés principales


Tout n’a pas été rose. En termes de difficultés principales, il a fallu d’abord convaincre les investisseurs que le concept était porteur car il ne s’agit pas d’une innovation technologique, plus classique à défendre. Toute l’approche de l’entreprise est en effet basée sur une innovation d’usage, qui implique d’aller à rebours de l’existant en capitalisant sur des embryons identifiés de nouvelles pratiques, avec un business model jamais testé auparavant dans ce secteur. Pour un investisseur, qu’il soit public ou privé, c’est moins courant et se projeter dans ces conditions est toujours un réel pari. Aujourd’hui, l’innovation d’usage ayant été validée, la technologie est revenue au centre des innovations et permet aujourd’hui un passage à l’échelle.


Une deuxième difficulté est liée au cœur de métier. Comment trouver des mécaniciens compétents et fiables ? Dans les premiers temps, la prospection s’est faite à l’ancienne, grâce au bon vieux bottin. Peu à peu, le bouche-à-oreille a commencé à fonctionner et ce sont des mécaniciens qui se sont recommandés entre eux pour rejoindre la plateforme, confirmant sa diffusion progressive auprès des professionnels du secteur et donc son utilité.


Les difficultés conjoncturelles n’ont pas été en reste. L’approvisionnement régulier en pièces détachées a loin d’avoir été facile ces dernières années et l’activité a été impactée par les augmentations de coût sur les pièces détachées et les consommables, et surtout sur l’essence, qui a été un réel sujet en interne et qui a motivé des changements structurels importants. L’entreprise fonctionne aujourd’hui mieux avec plusieurs dépôts de pré-stock qui sont répartis là où sont les Gomécaniciens et une valorisation horaire plus respectueuse des coûts du travail au réel.


Le développement rapide de la société a parfois mis à rude épreuve la relation avec certains Gomécaniciens et le réseau à connu de grands changements avec un besoin d’implication important dans la communauté naissante : explication des nouveaux enjeux, formation à l’électrique, nouveau mode de fonctionnement, etc. Quand une intervention est planifiée mais que la pièce détachée promise n’arrive pas dans les temps, ça crée forcément quelques bugs et des grincements de dents. Depuis un an environ, la société s’est stabilisée et a revu sa copie avec ses mécaniciens partenaires. La base aujourd’hui est fondée sur une relation partenariale réciproque et les pratiques d’entraide ne sont pas rares, même sur des interventions qui sont en-dehors du réseau (partage de schéma technique ou collaboration informelle entre pairs).


Les perspectives…


Aujourd’hui, 70 % de la clientèle de GOMECANO relève de particuliers. À moyen terme, l’objectif est d’équilibrer la part de clients professionnels en intégrant des prestations de gestion de flotte. La mise en place de 23 boîtiers connectés, en test auprès de Green B, une entreprise locale, va dans ce sens et accompagne pleinement la transition numérique et le développement du véhicule autonome. Les boitiers viennent de chez RTE Technologie, société sophipolitaine elle aussi. Plus besoin d’appeler le garagiste, c’est la voiture qui va bientôt planifier toute seule ses rendez-vous d’entretien. Le boitier autonome ou la solution connectée LinkbyCar sans boitier - ce dernier partenariat est en train d’être développé - ont vocation à faire remonter les anomalies avant que le conducteur les fasse remonter au gestionnaire de flotte et l’objectif qui suit affiche clairement l’ambition de croiser suffisamment de données du parc roulant français pour pouvoir avoir une approche prédictive des pannes régulières. Sempiternel débat du Cure vs. Care mais cette fois-ci dans le secteur automobile avec du BigData ciblé et des Gomécaniciens en paramédicaux des tacots. QR code sous le capot pour tracer les interventions, la tablette a trouvé sa place dans la boîte à outils de cette nouvelle génération de garagistes itinérants qui ont choisi de s’impliquer pleinement dans la révolution numérique en cours.


GOMECANO n’est pas la seule entreprise à prendre ce virage. Les enjeux financiers et organisationnels sont tels que les concessionnaires automobiles et les chaînes de garages fast-fitters (Norauto, Midas, Feux Vert, Speedy) s’intéressent aussi au sujet et rendent l’espace concurrentiel virulent. Ce n’est pas une surprise si Mobivia (qui détient également Norauto et Midas) est entré au capital de la société. Ce fonds d’investissement créé en 2010 par Norauto et Midas permet de mettre un premier pied dans une startup qui comprend les enjeux du marché. Pour autant, au-delà de ces capacités de frappe nationales déjà bien installées, le garagiste itinérant de proximité à son compte reste peut-être le concurrent le plus sérieux. Qui le captera en premier ? C’est certainement l’enjeu des années à venir car aucune application ne remplacera jamais la dynamique de la relation sociale de proximité. Ultra-conscient de cela, GOMECANO continue sa percée, méthodique, progressive, en surfant à plein sur la transformation en cours du secteur. Aiways leur fait déjà confiance pour l’entretien du parc automobile électrique de la marque ainsi que d’autres constructeurs de véhicules électriques qui n’ont pas de réseau d’atelier en propre. Qui seront les prochains ?

Parution magazine N°42 (septembre, octobre, novembre)

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