Mettre le Ciel au service de la Terre...
Le vaste chantier d’Argans

Par Emmanuel Maumon, 4 mars 2024 à 08:20

Planète bleue

ACRI-ST est un acteur majeur de l’observation de la Terre par satellite et a forgé sa réputation en travaillant pour le compte de plusieurs agences spatiales et opérateurs de satellites depuis sa création. Via sa filiale ARGANS, toute une activité de valorisation des données de télédétection spatiale a été développée. Des données servant à analyser et prévoir les risques. À ce titre, la société participe à plusieurs grands programmes internationaux et mise sur le New Space pour conquérir de nouveaux marchés. De quoi envisager l’avenir avec confiance au sein d’un secteur en très forte croissance.

Fondée en 1989 sur Sophia Antipolis, ACRI-ST exerce la majeure partie de ses activités en sous-traitance des agences spatiales. Pour ces dernières, elle traite, gère et distribue les données provenant des satellites d’observation de la Terre, en particulier des satellites Sentinel du programme européen Copernicus. Parallèlement, ACRI-ST a développé une activité de valorisation des données de télédétection spatiale au profit d’acteurs publics ou privés qui ont besoin de données environnementales. Cette activité est essentiellement conduite par sa filiale ARGANS dont le directeur associé d’ACRI-ST, François-Régis Martin-Lauzer, est également le chairman. Société britannique dont le siège est à Plymouth, ARGANS permet aussi à ACRI-ST de travailler pour la Grande-Bretagne en s’émancipant des questions de souveraineté si chères au domaine du spatial.


L’utilité des satellites dans la prévention des risques et la gestion des crises


En France et dans les autres pays européens, ARGANS intervient pour faire de l’exploitation des données de télédétection spatiale. C’est un métier différent de celui d’opérer et de développer des segments sols. Les satellites sont aujourd’hui des outils majeurs d’observation de la Terre et les données qu’ils transmettent servent à créer des jumeaux numériques qui permettent de réaliser des prévisions à court, moyen et long terme. ARGANS exploite ces données pour faire des analyses de risques et des prévisions d’impact. Au cas où…


Au-delà de l’observation de la Terre, ARGANS a développé un logiciel de traitement de données ainsi que des outils d’analyse pour les utilisateurs finaux. Spécialisés thématiquement, ces outils permettent notamment d’évaluer et de valider la qualité des données de télédétection spatiale. Pour François-Régis Martin-Lauzer, la force principale actuelle d’Argans est dans le domaine maritime et côtier et l’analyse des risques liés aux tempêtes, à la montée des eaux ou à la convergence des phénomènes d’inondation et des phénomènes de tempête en mer.


Une reconnaissance des pairs


Via ARGANS, ACRI-ST participe activement à plusieurs grands programmes internationaux. ARGANS intervient en soutien de l’Agence spatiale européenne (ESA) dans ses activités liées à la Charte internationale Espace et catastrophes majeures. Un accord philanthropique entre 17 agences spatiales et opérateurs de satellites vise à fournir des données satellitaires aux équipes de secours lors de grandes catastrophes. Au sein de la Charte, l’ESA gère une plateforme de données que contribue à développer Zachary Foltz, un ingénieur américain qu’ARGANS a recruté en raison de sa double formation (diplôme de génie civil en Floride, Master à l’Université Côte d’Azur sur la gestion des risques) qui lui permet de couvrir l’intégralité du domaine. Il assure également la formation des équipes de terrain pour utiliser au mieux les données permettant de recenser les dégâts lors de catastrophes majeures. En 20 ans, la Charte a démontré toute son utilité et est activée de plus en plus fréquemment. Jusqu’à présent, elle a été activée à 857 reprises, dont près de la moitié lors d’inondations.


ARGANS assiste également l’ESA dans le cadre du programme GDA (Global Development Assistance) qui se concentre sur la cartographie des risques. Sous la houlette d’Anne-Laure Beck, ARGANS s’occupe principalement des activités liées aux risques côtiers (inondations, tempêtes). Un domaine dans lequel l’image satellitaire joue un rôle essentiel en raison de l’étendue des surfaces couvertes avec une résolution pixellaire offrant différents niveaux de détail. Les études par télédétection permettent une complète compréhension de l’aléa et de la vulnérabilité. Dès lors, il est possible d’adapter des solutions pour limiter les risques, ce dont sont friandes la Banque mondiale et les agences de développement auxquelles on fait généralement appel pour financer la reconstruction après une catastrophe. Néanmoins, il y a un bémol, comme le souligne François-Régis Martin-Lauzer : « En matière de gestion des risques, nous somme des pythies, et comme toujours, les pythies sont soit brûlées, soit écoutées ». Il évoque ainsi l’exemple du Tonga où ARGANS avait réalisé une étude deux mois avant le tsunami qui a touché l’une de ses îles en janvier 2022. Cette étude indiquait qu’en cas d’explosion sous-marine, il y aurait un risque de submersion jusqu’à 20 mètres d’altitude. Une conclusion réfutée par les commanditaires de l’étude qui refusèrent de la publier. Pourtant, un mois et demi après, l’éruption d’un volcan sous-marin provoqua un tsunami. L’eau est montée jusqu’à 21,5 mètres.


Un développement à Grasse autour du New Space


Historiquement implantée à Sophia Antipolis, ACRI-ST se développe également à Grasse sous l’impulsion de sa présidente Odile Fanton d’Andon. Une décision liée d’une part à l’augmentation du personnel, les locaux de Sophia Antipolis commençant à devenir trop étroits pour accueillir près de 90 salariés. Une autre raison réside dans la volonté de séparer plus clairement les deux activités d’ACRI-ST et ses filiales. Tandis que le site de Sophia se concentrera plutôt sur les activités spatiales traditionnelles, ACRI-ST s’orientera vers le New Space sur l’ancien site du CERGA à Grasse. Complémentaire de son activité de partenaire sous-traitant des agences spatiales, ce domaine correspond à l’évolution du secteur vers des activités plus commerciales, en particulier le développement de services pour les nouveaux opérateurs de satellites.


En matière d’observation de la Terre par satellite, le Big Data et l’intelligence artificielle prennent de plus en plus d’importance en raison de l’explosion des données disponibles. Ainsi, en 2012, l’ensemble des données de télédétection spatiale européenne représentait l’équivalent de 6 petaoctets. Aujourd’hui, avec le programme Copernicus de l’ESA on reçoit environ 12 petaoctets/an, et demain un satellite de nouvelle génération va délivrer de l’ordre de 20 petaoctets/an. Le secteur croule sous les volumes de données qui imposent le recours à l’intelligence artificielle pour les traiter. Mais pour François-Régis Martin-Lauzer : « Si on augmente nos capacités d’observation de la Terre, c’est parce qu’on n’a pas trouvé ce qui est requis pour pouvoir faire de manière optimale les prévisions pour le futur. On augmente le volume de données, mais le nombre de données utiles à extraire peut très bien rester le même. La difficulté, c’est de trouver l’aiguille dans la botte de foin. »


Avec l’explosion du spatial, un avenir radieux s’offre à ACRI-ST


Le secteur spatial est en train de vivre un âge d’or et enregistre une croissance phénoménale qui ne semble pas près de s’arrêter. L’accès à l’espace étant de plus en plus facile, à la fois financièrement et réglementairement. Aussi bien avec ses activités traditionnelles que celles qui émergent dans le New Space, ARGANS et ACRI-ST comptent bien en profiter et tablent dans les années à venir sur une croissance qui épouse l’explosion du secteur et accompagne celle du marché. Par ailleurs, avec de gros programmes satellitaires en cours, elle ne se fait pas de souci en termes de moyens d’observation de la Terre.


L’inquiétude porte plutôt sur la manipulation des données et leur exploitation, un domaine dans lequel elle progresse néanmoins continuellement. ACRI-ST bénéficie notamment de partenariats privilégiés avec de grosses sociétés américaines qui lui permettent d’être à la pointe en matière de stockage de données. Elle travaille également sur les accès et l’extraction de données pour répondre aux nouveaux besoins des acteurs du marché. Ces derniers veulent en effet pouvoir disposer aujourd’hui de ces données en temps réel et non plus, comme par le passé, en quelques minutes, quelques heures ou voire quelques semaines.

Parution magazine N°44 (mars, avril, mai)

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