Résilience, une plateforme d’expertise des maladies rares

Par Emmanuel Maumon, 1 juin 2024 à 17:28

Quoi d'9 ?

Les maladies rares touchent en réalité de très nombreuses personnes et constituent un réel enjeu de santé publique. Plusieurs plans nationaux se sont succédé pour structurer les différents acteurs des maladies rares. Ils viennent d’être renforcés par la création au niveau régional de plateformes d’expertise maladies rares, dont la plateforme Résilience pour Nice et la Corse. Interview de sa coordinatrice Véronique Paquis pour mieux comprendre les problématiques de ces maladies rares et parler des objectifs de la plateforme Résilience.

Véronique Paquis, on parle d’une maladie rare lorsqu’elle atteint moins d’une personne sur 2 000, mais ces maladies sont particulièrement nombreuses. Combien en existe-t-il et combien de personnes en sont atteintes en France ?


On continue à en identifier tous les jours, mais on dénombre déjà près de 7 000 maladies rares différentes. Certaines sont relativement fréquentes comme la mucoviscidose qui touche un patient sur 2 500, mais d’autres sont beaucoup plus rares et touchent à peine une personne sur un million, voire beaucoup plus. Néanmoins, si chacune touche un tout petit nombre de patients, elles posent un véritable problème de santé publique puisqu’en France, plus de 3 millions de patients sont atteints de maladies rares.


Quelle est l’origine de ces maladies et existe-t-il des traitements efficaces ?


Dans près de 80 % des cas, ces maladies sont d’origine génétique. Dès lors, pour faire le diagnostic de ces maladies, nous devons d’abord identifier le gène responsable. Près d’un patient sur deux n’a toujours pas de nom sur sa maladie car le gène n’est pas identifié. Ce retard au diagnostic se répercute ensuite sur la prise en charge. En effet, pour trouver un traitement, la première des choses est de trouver les mécanismes qui dysfonctionnent. Aujourd’hui, 95 % des maladies rares n’ont pas de traitement. Néanmoins de nouvelles thérapeutiques innovantes comme la thérapie génique arrivent, déjà avec un certain succès.


Des plans nationaux pour lutter contre l’impasse et l’errance diagnostiques


Plusieurs plans nationaux se sont succédé pour lutter contre l’impasse et l’errance diagnostiques. Ils ont d’abord débouché sur la mise en place de centres de référence maladies rares. Combien en existe-t-il au CHU de Nice ?


Depuis la dernière labellisation, il y en a sept au CHU de Nice, dont certains sont présents depuis le premier Plan maladies rares. Outre ces centres de référence, il existe également 58 centres de compétence maladies rares. Ces derniers n’ont pas la même expertise, mais aident au maillage territorial. Pour des maladies extrêmement rares, s’il n’existe que deux centres de référence en France, on ne va pas demander aux patients de traverser la France chaque fois qu’ils veulent voir un expert. Avec des médecins en contact avec les centres de référence, ces centres de compétence jouent un rôle de relai et sont très importants.


Combien de personnes sont-elles suivies par ces structures à Nice et quelles sont les maladies rares les plus fréquentes sur la Côte d’Azur ?


Sur la Côte d’Azur, nous avons les maladies rares que l’on trouve en France. Les centres labellisés au CHU de Nice ne le sont pas en fonction d’un nombre plus important de patients dans la région, mais en raison d’une expertise spécifique en termes de recherche. Je suis incapable de vous donner le nombre de patients suivis sur la Côte d’Azur, qui varie suivant les maladies. Néanmoins, pour vous donner un exemple, sur le centre sur les maladies mitochondriales que j’ai créé, nous avons une file active de 600 à 700 patients par an.


Les missions de la plateforme Résilience


Pour renforcer le dispositif, on a par la suite créé des plateformes d’expertise maladies rares dont la plateforme Résilience pour les Alpes-Maritimes et la Corse. Quelles sont ses principales missions ?


Ces plateformes ont été créées pour coordonner au niveau régional le diagnostic, la prise en charge et la recherche sur ces patients atteints de maladies rares. Elles servent essentiellement à combler les trous dans la raquette. D’une région à l’autre, les déserts médicaux sont plus ou moins importants, ce qui rend l’accès aux soins plus ou moins compliqué. Ainsi sur la Côte d’Azur, nous n’avons pas les mêmes professionnels de santé sur le littoral et dans l’arrière-pays. L’une des missions de Résilience va être de mieux prendre en charge ces patients qui résident dans l’arrière-pays.


Avez-vous des premiers résultats dans l’amélioration du parcours de soin et la qualité de vie des patients et de leurs familles ?


C’est un peu tôt pour les résultats car la plateforme Résilience est très récente, mais nous avons plein de projets en cours. Dans le cas du soin, notre priorité consiste à renforcer les liens ville–hôpital parce qu’il y a 7 000 maladies rares et que les professionnels de santé ne les connaissent pas. Nous voulons que tous ceux qui voient des patients en se disant qu’ils sont peut-être atteints d’une maladie rare sachent exactement où s’adresser pour diminuer cette fameuse errance diagnostique. Nous menons déjà beaucoup d’actions en ce sens et notre visibilité est déjà beaucoup plus importante. Par ailleurs, quand un patient est diagnostiqué dans un centre de référence, il n’a pas vocation à passer sa vie à l’hôpital. Notre objectif est qu’il puisse rentrer chez lui et qu’il ait à son domicile toute une série de professionnels particulièrement formés aux maladies rares.


Avez-vous également des objectifs pour favoriser la recherche et l’innovation ?


Oui car c’est parce que nous faisons de la recherche de haut niveau en CHU que nous pouvons mieux prendre en charge ces patients extrêmement complexes. En s’appuyant sur la recherche, nous parvenons aussi à mieux former les professionnels de santé. L’une de nos premières actions a été de mettre en place une coordination entre les centres de référence et les équipes de recherche qui travaillent sur les maladies rares au niveau de l’université Côte d’Azur. Ceux qui travaillent sur les mêmes thématiques vont pouvoir se rencontrer et mener des projets ensemble.


Des progrès déjà réalisés


Quels sont les principaux progrès à attendre dans les prochaines années ?


Nous avons déjà enregistré des progrès fantastiques en termes d’identification des gènes dans la mesure où nous disposons aujourd’hui de toutes ces techniques de séquençage de haut débit qui permettent désormais de séquencer un génome facilement. Cela améliore grandement la connaissance de ces maladies dont la plupart sont génétiques. Nous pouvons par exemple nous retourner vers la famille qui a eu un premier enfant malade, pour leur proposer un diagnostic prénatal afin d’éviter que leur deuxième enfant ne soit atteint. Outre les progrès dans le diagnostic, les grandes avancées arrivent maintenant sur le plan thérapeutique. En identifiant les gènes et en connaissant l’origine de ces maladies, nous pouvons en effet trouver des stratégies thérapeutiques. Ainsi pour la mucoviscidose, en comprenant les dysfonctionnements de la protéine anormale, nous avons maintenant des traitements qui ont complètement révolutionné le pronostic de ces patients.


Focus sur le centre de référence des maladies mitochondriales


Vous vous occupez plus particulièrement du centre de référence des maladies mitochondriales. Pouvez-vous nous nous indiquer son rayon d’action et ses résultats?


Les maladies mitochondriales sont des maladies couvrant un spectre extrêmement large, du nourrisson qui va décéder très rapidement à l’adulte de 55 ans qui va se rendre compte qu’il a un diabète et puis une association un peu bizarre que l’on avait mise sur le compte du vieillissement. En fait, les mitochondries sont les usines de nos cellules car elles fabriquent l’énergie dont nos cellules ont besoin. Ces maladies neurologiques sévères sont très complexes car elles dépendent non pas d’un seul génome, nos chromosomes, mais aussi du génome mitochondrial qui est transmis par les mères.


Au niveau du centre de référence, nous avons fait énormément de travail sur le diagnostic et la prise en charge des patients. Un travail couplé avec le service de génétique que je dirige au CHU de Nice. Nous avons identifié de nouveaux gènes et de nouvelles maladies. De plus, en lien avec l’équipe Inserm à l’IRCAN, que je dirige sur ces maladies, nous avons travaillé sur la compréhension de ces maladies à visée thérapeutique. Nous avons notamment mis en évidence un nouveau gène responsable d’une maladie mitochondriale, mais qui est aussi responsable de la maladie de Charcot. Nous sommes parvenus à générer de nouveaux modèles et à sortir de nouvelles thérapeutiques que nous allons tester sur les modèles avant d’espérer faire un essai clinique.

Parution magazine N°45 (juin, juillet, août)

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