Comment SAP Labs France passe au travers de la crise de l’énergie

Par Emmanuel Maumon, 8 mars 2023 à 20:18, Sophia Antipolis

Énergivores

Centre de R&D de SAP, le géant allemand du logiciel pour entreprises, SAP Labs France emploie près de 240 personnes sur son site de Sophia Antipolis. Élément fort de sa politique de recrutement, pratiquement tous ses salariés bénéficient d’une voiture de fonction. Des véhicules obligatoirement électriques qu’ils peuvent recharger gratuitement sur l’un des plus de 60 points de charge, dont six rapides et ultra-rapides, installés sur son parking. Rien qu’à Mougins, SAP Labs France dispose désormais d’une flotte de près de 180 véhicules électriques. Elle a donc de gros besoins en matière d’énergie. Pourtant, selon son président Hanno Klausmeier, l’entreprise n’est pratiquement pas affectée par la crise de l’énergie. Il nous a expliqué pourquoi lorsque nous l’avons rencontré.

Hanno Klausmeier, depuis plusieurs années déjà, SAP Labs France se préoccupe de bien gérer l’utilisation de l’énergie, notamment pour assurer les recharges de votre impressionnante flotte de véhicules électriques. Quels sont les besoins en énergie du site de Sophia Antipolis ?


Sur notre site de Mougins, nous avons trois tarifs jaunes proposés par EDF et 680 kW de puissance mis à notre disposition. En réalité, avec nos bornes de recharge, nos besoins dépassent largement le mégawatt pour aller jusqu’à 1,4 MW. Cependant, grâce à nos logiciels, notre batterie de stockage et nos panneaux solaires, nous arrivons à satisfaire l’ensemble de nos besoins. Grâce à une gestion intelligente de l’énergie, nous parvenons ainsi à gérer des puissances beaucoup plus importantes que celles fournies par EDF. L’électricité que nous produisons sur notre site est une réelle complémentarité.


SAP Labs France a été l’une des premières entreprises de la technopole à installer des panneaux photovoltaïques sur le toit de ses bâtiments. Quelle est la nature de cette installation et quelle part de vos besoins en énergie couvre-t-elle ?


C’est vrai que nous avons commencé relativement tôt puisque nous avons pris la décision d’installer des panneaux solaires en 2015-2016. Néanmoins, avec tous les travaux, la préparation, la bureaucratie aussi bien interne qu’externe, l’installation n’est opérationnelle que depuis 2018. Nos panneaux solaires sur le toit nous procurent jusqu’à 66 kilowatts-crête de puissance. En 2021, nous avons ajouté sur le parking deux ombrières qui nous donnent 30 kWc. Ainsi, nous arrivons maintenant à presque 100 kWc. Concernant la part de nos besoins couverte par cette installation, je dois donner plusieurs réponses. Sans les voitures électriques, nous arrivons à couvrir 80 % de nos besoins en été et entre 15 et 25 % en hiver. Avec les voitures électriques, c’est évidemment moins, surtout en été où nous n’arrivons à couvrir que 40 % de nos besoins car les voitures électriques consomment beaucoup.


Une batterie de stockage et un logiciel pour optimiser la gestion de l’énergie


Par la suite, pour optimiser le fonctionnement des panneaux photovoltaïques sur le toit et des ombrières sur votre parking, vous avez également eu recours à une batterie de stockage. Quel est son impact sur la gestion de votre énergie ?


Nous avons effectivement installé une batterie de stockage stationnaire qui a pour nous plusieurs fonctions. La première est clairement une fonction de recherche. Nous voulions savoir ce que nous pouvions réellement faire avec une telle batterie. Cette batterie nous sert également à mieux optimiser la gestion de notre énergie. Le week-end, nous avions trop d’énergie à notre disposition par rapport à nos besoins. Avec la batterie, nous pouvons désormais la stocker pour l’utiliser la nuit ou le lundi, aussi bien pour nos voitures que pour nos ordinateurs ou le chauffage. Enfin, nous utilisons également la batterie comme tampon quand il y a un pic de charge très élevé.


Pour mieux gérer les recharges de vos véhicules, vous avez également développé en interne un logiciel spécifique. Quelles sont ses fonctionnalités ?


Dès 2017, nous avons commencé à développer un logiciel pour la gestion de nos bornes de recharge. Au début, nous avions relativement peu de bornes et c’était assez facile à gérer. Mais à un moment donné, nous nous sommes rendu compte que nos besoins devenaient beaucoup plus élevés et dépassaient la capacité énergétique que nous donnait EDF. Nous avons donc développé un logiciel optimisateur que nous avons ajouté à notre gestion des bornes. Ce logiciel est capable de moduler d’une façon dynamique la recharge en fonction des besoins et des puissances disponibles, fournies aussi bien par le réseau que par nos panneaux photovoltaïques.


L’impact limité de la crise de l’énergie


Comme toutes les entreprises, j’imagine que SAP Labs France a été impactée par la crise de l’énergie. Avez-vous chiffré l’impact de l’augmentation du coût de l’énergie ?


Vous allez rigoler mais en réalité nous ne sommes pas très affectés par la crise de l’énergie. En effet, contrairement à toutes les entreprises qui ont recours à des voitures fonctionnant avec des carburants, l’électricité utilisée dans le transport a beaucoup moins augmenté que les carburants. De plus, avec notre programme de charge à la maison, une bonne partie de nos employés rechargent leur véhicule chez eux et bénéficient du bouclier tarifaire. En effet, pour compléter notre dispositif sur le site de Mougins, nous avons incité nos salariés à recharger leur véhicule chez eux. Nous avons aujourd’hui près de 110 personnes qui ont une borne à la maison. Pour eux, c’est plus confortable et cela leur donne une flexibilité énorme. Au-delà, cela diminue une partie de nos besoins sur le site. Au final, certes les coûts d’utilisation de nos voitures ont aussi augmenté, mais pas du tout de manière comparable à ceux des entreprises utilisant des véhicules fonctionnant avec du carburant. Finalement, grâce à notre investissement dans le solaire, au développement de notre programme « Charge at Home » et au fait que dans le transport, l’électricité coûte bien moins cher que le carburant, nous n’avons pas été très affectés par la crise de l’énergie.


Néanmoins, avec cette crise de l’énergie, est-ce que vous avez encore davantage recours au smart charging ?


C’est clair que nous continuons encore à développer le smart charging. Nous avons notamment connecté un système de gestion énergétique développé par une entreprise basée à Nice, qui s’appelle IO Think. Ce système nous permet de gérer au mieux tous nos besoins énergétiques. De plus, outre notre investissement dans le solaire, nous avons également investi dans des illuminations LED et pris des mesures d’isolation du bâtiment afin de réduire nos besoins énergétiques. D’une certaine façon, nous avons indirectement anticipé la crise et nous sommes devenus plus résilients à cette crise énergétique. Aujourd’hui, nous aimerions installer encore plus de panneaux solaires pour augmenter notre autonomie en matière d’électricité. Nous n’avons plus tellement d’options pour le toit, mais nous pouvons implanter plus d’ombrières sur notre parking.


Un appel pour mieux tirer parti du solaire


Dans quelle mesure faites-vous profiter de votre expérience dans la gestion de l’énergie d’autres entreprises de la technopole ?


Depuis plusieurs années, nous avons toujours eu des visiteurs sur notre site. J’ai toujours dit que ma porte restait ouverte à tous ceux qui veulent venir dans un esprit constructif. Nous partageons gratuitement notre expérience. Je peux d’ailleurs recommander à toutes les entreprises de la région d’au moins installer quelques panneaux solaires chez elles. Compte tenu du potentiel de notre région avec le photovoltaïque, cette ressource est absolument sous-utilisée. D’une certaine façon, je pense que nous avons causé nous-mêmes une partie de notre crise énergétique en n’investissant pas suffisamment dans les ressources naturelles à notre disposition. Malheureusement, beaucoup d’entreprises n’ont pas vu l’aspect économique dans les panneaux photovoltaïques. A leur décharge, je dois dire que quand j’ai fait les calculs de rentabilité des panneaux solaires, le résultat n’était pas très bon. Mais j’avais déjà la conviction que ce résultat serait au final meilleur que les calculs, et je ne me suis pas trompé. Pour certaines choses, il faut avoir une certaine foi. On ne peut pas toujours pré-calculer, ce n’est pas possible.


Sur le site de Mougins, vous travaillez beaucoup sur l’intelligence artificielle. Son utilisation permet-elle de mieux gérer l’énergie ?


Oui, mais ce sont deux champs de bataille différents. L’intelligence artificielle peut notamment jouer un rôle pour mieux gérer la recharge, en combinaison avec la prévision d’électricité issue de ressources naturelles. Elle peut ainsi permettre de mieux gérer la consommation et de s’adapter à la production provenant du solaire ou de l’éolien.


Parution magazine N°40 (mars, avril, mai)

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