Et pourquoi pas...
tourner autour du monde à l'hydrogène ?
De Tech à tech

Prototype Avion Climate impulse © DR
Après l’exploit Solar Impulse en 2016, place à Climate Impulse en 2028… Premier vol à l’hydrogène liquide vert… Un tour du monde de 9 jours sans escale… Comme il se plaît à le dire : « L’impossible doit être atteint. À chaque fois que nous avons un choix à faire, allons vers l’inconnu. »
La rédaction a rencontré Bertrand Piccard qui, tout sourire comme à l’accoutumée, a levé un pan du voile sur sa prochaine Aventure en majuscule…
Vous avez lancé l’année dernière à Bruxelles, le manifeste « Europe 3.0 : moderniser pour prospérer ». Quelles sont ces propositions et où en est-on concrètement ?
Ce que nous essayons de faire ressortir à travers ce document, c’est que l’écologie en Europe doit se moderniser pour être plus efficiente. Il faut en finir avec les vieilles infrastructures, les vieilles sources d’énergie…
La réflexion est partie du constat que beaucoup de gens ne comprennent pas les politiques de protection de l’environnement. L’action climatique, les énergies renouvelables… Ce n’est pas simplement une question d’environnement, c’est aussi la compétitivité de l’Europe, son développement économique, la création d’emplois, la souveraineté énergétique…
Je suis devenu allergique à l’éco-anxiété, aux discours assénant qu’il n’y a plus d’avenir. Ce qu’il faut faire c’est redonner de l’espoir, non pas un espoir béat, mais un espoir à travers des actions innovantes, une remise en question des systèmes que nous utilisons.
Il faut convaincre les décideurs économiques et politiques. Il faut leur démontrer que l’écologie n’est pas sacrificielle. Il faut réfléchir à un nouveau narratif et puis il faut convaincre certains écologistes que le but n’est pas la décroissance économique, mais la décroissance du gaspillage, de la pollution, de la non efficience… C’est grâce au développement économique que l’on aura de l’argent à distribuer dans l’éducation, la santé, la sécurité sociale, les caisses de retraite. La décroissance économique serait une catastrophe sociale et ce n’est pas pour les plus riches que cela va être grave, mais pour les plus pauvres. Socialement, c’est inacceptable.
Il y a 10 ans, vous avez fait vivre au monde entier l’exploit du tour du monde à l’énergie solaire, sans carburant aux commandes du bel oiseau Solar Impulse. Demain, en 2028, vous piloterez l’avion « Climate Impulse » propulsé à l’hydrogène liquide vert… Pouvez-vous nous dire un mot sur cette prochaine aventure ?
C’est mon cri du cœur face aux sceptiques qui préfèrent interdire l’aviation plutôt qu’envisager de l’améliorer. Je veux montrer qu’on peut être responsable et prendre les choses en mains. Quand on pense que l’aviation est passée de 1903 à 1969 de l’avion en bois et en toile des frères Wright, à l’atterrissage lunaire d’Apollon XI, on comprend qu’il y a une réserve d’innovations à vivre dans le monde aéronautique et qu’il faut tout mettre en œuvre maintenant pour démontrer qu’une action climatique enthousiasmante est possible. Essayer de nouveaux systèmes est possible. Sortir du défaitisme en s’emparant du secteur le plus difficile à décarboner : l’aviation. Le projet Climate Impulse représente deux années de construction. Le temps des tests : 2025-2027. 2028 marquera la tentative de tour du monde à l’hydrogène vert en 9 jours sans escale.
Quelles sont les caractéristiques technologiques, aérodynamiques, de votre avion Climate Impulse ? Ce projet peut sembler fou !
Ce qui est fou, c’est de continuer à vivre dans un monde qui brûle un million de tonnes de pétrole par heure, qui change le climat et qui détruit la biodiversité. C’est cela la folie… Essayer de voler à l’hydrogène n’est pas facile. Personne ne l’a fait à ce jour et ce n’est qu’un début. C’est une expérience, comme l’a été Solar impulse et il y a 25 ans le projet Breitling Orbiter, mon premier tour du monde en ballon avec Brian Jones.
Dans ce genre de projet pionnier, vous devez tout découvrir par vous-même, tout mettre en place avec votre équipe. C’est cela qui est difficile. Cette fois, des tests auront lieu en espérant qu’ils valideront nos choix techniques. Il ne faut jamais être sûr de soi, il faut savoir garder une humilité, avoir des doutes pour pouvoir s’ouvrir à toutes les solutions possibles. Si l’on est trop confiant, le risque est de partir sur de fausses pistes et de ne pas s’en apercevoir.
En termes de caractéristiques techniques, Climate Impulse est beaucoup plus compact que Solar Impulse, deux fois plus lourd et il vole quatre fois plus vite. Il est donc plus opérationnel. Le vol Solar Impulse était un message, un symbole. Je n’ai jamais dit que les avions voleraient tous à l’énergie solaire ! Mon but était de promouvoir le solaire, les énergies renouvelables, les technologies propres… Solar Impulse était davantage un projet d’énergie qu’un projet d’aviation !
En revanche pour Climate impulse, l’idée est vraiment de révolutionner l’aéronautique.
C’est un appareil en fibre de carbone construit autour de deux réservoirs. Chaque fuselage contient un réservoir d’hydrogène, une pile à combustible et un moteur électrique. L’hydrogène est refroidi à -253°, très proche du zéro absolu. Il faut que les réservoirs soient bien isolés. Un peu d’hydrogène s’évapore et devient du gaz qui passe dans les piles à combustibles pour produire de l’électricité et actionner nos moteurs.
Entre les deux fuselages se trouve le cockpit avec deux sièges pour les pilotes : Raphaël Dinelli, l’ingénieur en matières composites qui construit l’avion avec sa société 49 Sud, et moi-même. À l’arrière de l’avion, un espace de vie avec une couchette pour dormir alternativement et un petit coin cuisine…
En 2028, la salle de commandement du vol Climate Impulse sera-t-elle à Monaco, comme pour Solar Impulse ?
Je ne peux vous en dire davantage sinon que précisément, nous sommes en train d’en discuter…
En conclusion Bertrand Piccard, pourriez-vous nous dire quel est votre souvenir le plus marquant de votre dernier exploit ?
Voler avec Solar Impulse était exceptionnel. Sans bruit. Sans carburant. Le revers, c’était la partie au sol. Les plans de vol, les autorisations de survol, la paperasserie… ça c’était un vrai cauchemar.
Si je retiens une seule chose de cette expérience, c’est le moment où, en vol, je me suis dit « là, je suis vraiment dans le futur. Dans un avion qui vole sans carburant, sans bruit. Je suis dans un film de science fiction… » Et, en fait pas du tout. J’étais bien dans le présent et je vivais ce que les technologies permettent de réaliser aujourd’hui.
J’en ai conclu que c’est le reste du monde qui vivait dans le passé. Et j’ai alors compris qu’il y avait un écart incroyable entre ce que Solar Impulse incarnait et le reste du monde.
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