H2O, mon Amour

Par Jacques Jacquet-Stemmelen, 15 mai 2023 à 08:52

Planète bleue

Matière première essentielle à la vie, l’eau est un joyau de la nature et ses propriétés physiques ont permis l’essor des technologies dans des domaines variés. L’enjeu aujourd’hui est de réussir à prendre et à garder un cap fondé sur la science pour relever les grands défis liés à la ressource.

Vraiment très rares sont les matières premières qui peuplent l’imaginaire humain comme le fait « l’eau ». Pour témoins, les innombrables expressions se référant à l’eau pour faire partager et faire comprendre en peu de mots ce qui relève de l’évidence. C’est « clair comme de l’eau de roche », « ça coule de source », « se ressembler comme deux gouttes d’eau », et dans un sens plus figuré « mettre l’eau à la bouche », « vivre de pain, d’amour et d’eau fraîche » et encore « mettre de l’eau dans son vin » ou « se méfier de l’eau qui dort ». Plus profondément, l’eau est associée au pouvoir de donner la vie et de survivre, sans omettre sa fonction symbolique de purification que lui confèrent croyances et religions. Pourtant l’eau peut tout autant constituer une menace et susciter la crainte de ses tempêtes, de ses inondations voire des tsunamis, phénomènes traduisant sa puissance face à laquelle nulle force ne peut s’opposer.



Un joyau de la nature


La molécule de l’eau reste un joyau de la nature. L’assemblage esthétique de ses trois composants (1 atome d’oxygène et 2 atomes d’hydrogène) lui confère une force extraordinaire au point que le craquage de l'eau en hydrogène et en oxygène réclame une énergie considérable ne pouvant se produire qu’à haute température (entre 850 °C et 900 °C), ou en phase gazeuse, entre 2 500 °C et 3 000 °C. A l’inverse, la synthèse de l’eau, découverte par Lavoisier, dégage beaucoup de chaleur. L’eau, source de vie, est faite d’oxygène sans lequel l’espèce humaine ne serait pas, et d’hydrogène, une énergie que l’espèce humaine rêve de savoir pleinement domestiquer.


Cette merveille moléculaire sait se faire admirer sous forme de vapeur, de liquide (la forme la plus complexe de la matière) ou encore sous la forme de cristaux admirables (glace ou neige) pour offrir aux sciences et technologies la définition du 0° degré Celsius et son référentiel de température.


L’eau s’avère être un formidable véhicule de vie tant pour l’homme que pour le règne animal et végétal. Elle dispose d’une forte propension à dissoudre d’autres éléments, comme des gaz présents dans l’air (gaz carbonique, oxygène) ou encore des sels minéraux. L’eau contenue dans le corps humain sert ainsi de support à la multitude de réactions et d’échanges qui sont nécessaires à la vie. Sa structure moléculaire ajoutée à sa propriété de solvant lui confère un pouvoir d’oxydation capable de s’attaquer tout autant aux parois d’un récipient qui la contient qu’aux pierres calcaires des édifices ou des sols. Ce pouvoir de transformation est sa puissance qui lui confère une capacité à sculpter des paysages et des formes.


Matière première essentielle à la vie, l’eau et ses propriétés physiques ont permis l’essor des technologies. La poussée d’Archimède découlant des propriétés physiques de l’eau ont permis le développement de la navigation et du pouvoir de l’homme à se mouvoir sur les fleuves et les océans.


L’eau est particulièrement résistante à la déformation, au point d’avoir permis de l’utiliser comme transmetteur de force dans les presses hydrauliques. Paradoxalement, sa plasticité à se transformer en vapeur et ses propriétés thermodynamiques ont donné naissance aux machines créatrices d’énergie (roues à eau des moulins puis des bateaux, pistons) et par extension aux équipements d’énergie électrique (usines marémotrices, turbines des centrales nucléaires). L’eau vecteur de production d’énergie enfin peut se muer en l’un des rares agents de stockage de l’énergie électrique par formation de réserves d’eau ou de barrages hydroélectriques. Les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) en sont une illustration très concrète.


Dans sa forme pure, l’eau a permis de distinguer les fonctions acide et basique avec l’échelle du pH (potentiel hydrogène), cet indicateur qui régit la chimie des solutions et la chimie minérale, et qui joue un rôle majeur dans les sciences du corps humain, y compris dans la formulation et composition des produits cosmétiques.



Alors pourquoi aussi peu de preuves d’amour ?


Il semble aujourd’hui plus simple de sensibiliser au recyclage du plastique ou du verre. Pour l’eau, seuls 0,6 % des volumes d’eaux usées étaient réutilisés au sortir des stations d'épuration urbaines en 2019 (source : Assises nationales de l'eau). Pour une consommation moyenne de 147 litres d’eau par jour, 6 % seulement de l’usage se porte sur la boisson et la cuisine, et le recyclage de l'or bleu pour la chasse d'eau, le ménage ou la lessive reste un sujet tabou en France, là où les autres États n’hésitent pas à s’engager de manière volontariste (Espagne, Italie, Israël).


Le dérèglement climatique fait bien prendre conscience que l’eau va venir à manquer, mais à ne regarder que la question de la rareté de l’eau, on ferait l’erreur d’occulter l’enjeu de sa qualité. Or le rapport du 6 avril 2023 de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) alerte sur une catastrophe souterraine. La pollution des eaux par les activités humaines est une réalité qu’il ne faut pas faire passer au second plan.


Réunis en début de printemps à la conférence des Nations unies au siège de l’ONU à New York, les États ont rappelé qu’ils sont tous plus ou moins confrontés à une crise hydrique, aggravée par le changement climatique, et ils ont convenu de l’urgence d’agir de concert pour relever les grands défis liés à l’eau. A l’horizon 2025, si la situation actuelle n’évolue pas favorablement, il est en effet estimé qu’un tiers de la population mondiale serait concerné par le stress hydrique, faisant ainsi de la crise de l’eau un réel enjeu géopolitique. C’est d’ailleurs déjà le cas à certains endroits. Réaffirmant que l’eau soutient tous les aspects de la vie sur Terre, et que l’accès à une eau salubre et propre est un droit humain fondamental, les délégations réunies aux Nations unies ont dénoncé des décennies de mauvaise gestion et d’utilisation abusive qui ont intensifié le stress hydrique et menacent la biodiversité. 


Pour António Guterres, Secrétaire général de l’ONU, « il ne peut y avoir de développement durable sans eau ». D’une manière ou d’une autre, tous les espoirs de l’humanité reposent donc sur notre capacité à fixer un nouveau cap fondé sur la science pour donner vie au Programme d’action pour l’eau. 


Un véritable gage d’amour. Cela ne devrait-il pas couler de source ?

Parution magazine N°41 (juin, juillet, août)

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