Jean-Marc Nowak à la découverte d’un trekking sauvage en pays Tamang

Par Viviane Le Ray, 15 mai 2023 à 09:05

Le Monde vu de Sophia

Onzième Français à avoir atteint les sept plus hauts sommets des cinq continents, Jean-Marc Nowak avait conduit en 2007 une expédition de 65 jours vers le sommet mythique de l’Everest comptant quatre volets : humanitaire, scientifique, écologique, éducatif. L’alpiniste vient de créer un trek à travers la chaîne himalayenne encourageant l’écotourisme qui permettra aux populations locales de devenir autosuffisantes.

Vous revenez d’un voyage de reconnaissance au Népal d’un itinéraire destiné à des voyageurs désireux de découvrir un circuit jamais emprunté par les trekkeurs ?


Ce voyage nous a conduits dans l’Himalaya où les sensations et les émotions sont au rendez-vous par la beauté des paysages, mais aussi par les rencontres avec la population Tamang : authenticité et partage animeront ce trekking dans une région sauvage, préservée et méconnue du Népal - malheureusement il y a foule aujourd’hui au Népal, sur l’Everest, au Tibet une multitude de pistes ont été construites par la Chine de plus en plus présente et les 4x4 affluent… Le point de départ de mon trekking sauvage est Rigaon, situé à 80 km au nord-ouest de Katmandu, en plein pays Tamang. Loin des circuits fréquentés, on rencontre ce peuple de montagne d’origine tibétaine, souriant et accueillant. On s’imprègne de la vie quotidienne et culturelle de cette ethnie très attachée à ses traditions ancestrales qui vit en harmonie avec la nature.


Comment vivent ces Tamang, encore à l’abri des hordes de touristes du 3e millénaire ?


Les Népalais et Tibétains ont su s’adapter au fort dénivelé de leur environnement pour aménager les pentes des montagnes en terrasses. Dans ce pays himalayen, c’est l’altitude qui décide du type de culture, ils cultivent essentiellement du riz jusqu’à une altitude de 2 000 m, mais aussi du maïs et du millet. Le blé est plus résistant ainsi que l’orge et la pomme de terre qui poussent plus haut (3 000 m). Au fur et à mesure de notre progression en altitude, nous passons d’une végétation très verdoyante, avec des rizières sur les flancs de la montagne, à des forêts, et enfin une zone alpine himalayenne. Le Népal est le seul pays au monde où on peut passer d’une zone subtropicale située à 10 m au point le plus haut de la planète à 8 850 m. La reconnaissance effectuée en 2022 a été une très belle surprise et la découverte d’une crête somptueuse de 5 km, ignorée des trekkeurs, offre un panorama à 360° sur les hauts sommets himalayens : Manaslu, Annapurna, Langtang, Ganesh Himal (7 426 m) et ses sept pics… Ce voyage se fera sans croiser le moindre groupe, et surtout entièrement au profit des populations.


J’imagine qu’il n’y a pas de mot pour décrire vos sensations…


Le plus enrichissant à mes yeux c’est le contact avec la population, ce sont des rencontres très fortes avec des gens qui ne se plaignent pas de leur pauvreté, des rencontres poignantes, c’est pour moi aussi important que d’atteindre le sommet, si nous n’avons pas un sherpa qui traduit, on communique par les gestes, le regard… Il est important de respecter les villageois ; nous venons chez eux, il ne faut en aucun cas les choquer, les blesser.


Un trek pour des randonneurs ou des alpinistes chevronnés ?


Le trek s’effectue sur dix jours et s’adresse à de bons randonneurs, dans un environnement qui offre une grande diversité florale depuis les forêts himalayennes jusqu’aux neiges éternelles. L’altitude débute à 1 800 m pour monter progressivement à 4 450 m (dernier campement) + le col de 5 150 m pour ceux qui le souhaitent. L’ascension facile de ce belvédère permet de découvrir un environnement haute montagne dont l’itinéraire est idéal pour une première expérience en altitude. Nous randonnons en direction de la chaîne des Ganesh (7 426 m) et ses sept pics, et découvrons de nouveaux villages Tamang dont les promontoires, ornés de chörtens amarante, sont autant d’observatoires sur les hauts sommets himalayens. Chaque soir, nous installons notre campement soit proche d’une rivière, soit avec un point de vue imprenable.


Chaque année vous vous rendez au Népal avec les associations Monaco Aide et Présence et Namasté* : On parle actuellement en France de la sécheresse, de l’eau qui va se faire de plus en plus précieuse, qu’en est-il au Népal ?


Au Népal en fait il y a beaucoup d’eau, trop même de juillet à septembre pendant la mousson qui provoque des glissements de terrain, après il n’y en a plus. Nous avons mis au point un projet agricole conduit par une technicienne d’Avignon qui a introduit des plantations qui résistent au manque d’eau : du thé ou du café, une nouveauté dans la région qui s’est avérée être une réussite, aujourd’hui certifiée officiellement.


Le 25 avril 2015, vous étiez sur place lors du terrible tremblement de terre de 7,8 sur l’échelle de Richter, un désastre qui vous a touché à double titre ?


Le 24, la veille, nous faisions la fête pour l’inauguration du lycée de montagne accueillant 25 jeunes qui pourront poursuivre des études jusqu’au Bac, le lycée a tenu, deux écoles ont été détruites, heureusement reconstruites depuis par Monaco. Les enfants au milieu de ce marasme s’inquiétaient pour leurs études, pour eux c’était aussi important que de se nourrir. Vingt-sept villages avaient été totalement détruits. Ce jour-là nous devions rentrer en France. Nous avons donc pu participer activement au soutien à la population, d’autant que les répliques ont été fortes et nombreuses…


En conclusion, quelques mots sur le changement climatique ? En avez-vous constaté l’influence dans la région de l’Himalaya ?


Je vous rappellerai ce que je vous avais dit lors d’une première rencontre, à savoir qu’après le raid réalisé au Spitzberg en 2003, j’avais signalé que dans la région arctique on constatait un réchauffement de 8°, soit une température de seulement -15° au mois d’avril, du jamais vu ! L’Himalaya n’échappe pas au changement climatique. Je regrette que les politiques ne s’investissent pas davantage, on fait quelques actions et on passe à autre chose. Nous nous enfonçons…



Pour en savoir plus


Monaco Aide et présence soutient les communautés les plus vulnérables depuis près de 45 ans, en particulier les femmes et les enfants, à travers des projets durables principalement dans les domaines de l’éducation et de la santé.100 % de tous les dons vont à ses projets. info@monaco-map.org - Namaste (Népal Monaco-Association culturelle) est née en octobre 2009 sous le haut patronage de S.A.S. le prince Albert II. Présidente Nancy Dotta namastemonaco@gmail.com - Contact Jean-Marc Nowak : jmnowak06@gmail.com

Parution magazine N°41 (juin, juillet, août)

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