La danse en sentinelle

Par Frank Davit, 20 juin 2025 à 22:51

Arts en scène

Guidés par Jean-Christophe Maillot, leur mentor, les Ballets de Monte-Carlo évoluent dans les plus hautes mouvances chorégraphiques. En juillet, deux nouvelles créations les mèneront vers les territoires singuliers de trois chorégraphes aux écritures audacieuses.

Sur l’alphabet de leurs variations, spectacle après spectacle, ils ne cessent de tracer une calligraphie de gestes qui empruntent au néoclassique comme au contemporain. Loin de s’amidonner dans un formalisme compassé, les Ballets de Monte-Carlo n’érigent pas leur art de la danse dans le dogme d’une pensée unique. Tout au contraire, ils semblent davantage enclins à se forger une identité chorégraphique multiple, polychrome. Elle épouse les courbes et les élans, les pleins et les déliés d’un langage corporel ouvert à bien des expressions et dont le seul maître mot pourrait être l’excellence.


Après le festival Monaco Dance Forum où s’illustrent régulièrement des grands noms de la danse, toute la saison qui vient de s’écouler en a encore été la démonstration éloquente. De la reprise euphorisante d’une pièce de Maillot, La Mégère apprivoisée, en décembre dernier, à La Nuit transfigurée, joyau noir aux allures de ténébreux sabbat de fièvres et de désirs signé ce printemps par le controversé Marco Goecke, la compagnie monégasque était littéralement en état de grâce. L’expression peut sembler galvaudée, ici elle s’impose et se propage jusqu’aux sessions des Imprévus de cette même compagnie quand elle se produit pour des représentations « alternatives » dans les locaux de son Atelier de répétitions, à Beausoleil. On est au cœur de ce qui rend si vite enthousiaste en évoquant la belle et fière maison de danse bâtie depuis plus de trente ans, avec le soutien indéfectible de la marraine des Ballets, la princesse Caroline de Hanovre, et Jean-Christophe Maillot. Générosité. Diversité. C'est ce qui est à l’œuvre au sein de la compagnie dans l’acte créatif, dans ce qui lui donne souffle et inspiration, abattage et brio ! Il s’agit en quelque sorte de garder le plaisir du public dans le viseur tout en l’invitant aussi à partager des émois iconoclastes, au gré des prestations. Alors voilà, pour aller au bout de son propos, ce coup de chapeau, car c’en est un, se doit de dire haut et fort à quel point les Ballets de Monte Carlo font des étincelles dans ce registre. Riches des fluides qui président à leurs évolutions, ils cartographient des paysages chorégraphiques aux horizons fluctuants, aux frontières hybrides.


Rendez-vous de juillet


Leur programmation cet été reflète ce haut potentiel attractif avec un spectacle à double affiche, créé tout spécialement pour les danseurs du Rocher à l’initiative de Maillot. Attaché à irriguer le travail de la troupe par d’autres contributions que les siennes, celui-ci a en effet invité un duo de chorégraphes italiens, Antonio de Rosa et Mattia Russo, fondateurs de la compagnie madrilène Kor’Sia, et un ancien danseur maison désormais reconnu dans sa carrière de chorégraphe, Lukáš Timulak, à mettre leur talent au service des Ballets. Carte blanche leur a été laissée pour concevoir et donner corps à deux créations distinctes. Imaginées indépendamment l’une de l’autre par Kor’Sia d’un côté et Lukáš Timulak de l’autre. Tramées sur mesure dans la maille artistique qui donne à ces stylistes du mouvement étoffe et originalité. Elles seront dansées sur la scène de la salle Garnier de l’Opéra de Monte-Carlo. Par le passé, Kor’Sia avait déjà présenté l’un de ses opus au Grimaldi Forum, Igra, très libre et radicale proposition autour d’une œuvre peu connue de Nijinski. Dans un télescopage de motifs enchaînant des séquences sous le signe d’un esthétisme onirique voire surréaliste, Igra effeuillait ses beautés intrigantes dans une sophistication de chaque instant. Une danse exacerbée dans sa soif de recherches formelles, comme de luxueuses fleurs de tubéreuses s’enivrant de leur propre parfum… En sera-t-il de même lors des représentations de juillet prochain ? Dans son approche des choses, Lukáš Timulak gravite, lui, autour d’un sentiment cosmique de la nature. Avec son complice au long cours, le designer Peter Bilak, il aime à retranscrire dans sa danse, comme une plaque photosensible, la sensorialité à fleur de peau des ondes du vivant, les lueurs des constellations. C'est tout un prisme chorégraphique à découvrir…





Encadré 1 - Extension du domaine de la grâce


Les Ballets de Monte-Carlo, dont Jean-Christophe Maillot est le chorégraphe-directeur, sont constitués de trois entités. La compagnie proprement dite. Le festival Monaco Dance Forum. L’Académie Princesse Grace. Celle-ci est un lieu de formation au plus haut niveau pour de futurs danseuses et danseurs professionnels appelés à intégrer de grandes compagnies internationales à l’issue de leur cursus. Chaque année, en clôture et en apothéose de ses activités, l’Académie organise un gala où les élèves laissent éclater leur virtuosité devant un public bluffé. Ce sera d’autant plus le cas cette année lors de la nouvelle édition du gala que l’un des talents de l’Académie, Hector Jain, s’est vu décerner en février dernier la Bourse Jeune Etoile à l’occasion du 53e Prix de Lausanne, l’un des plus prestigieux concours de danse du monde. Depuis 2014, quinze élèves de l’Académie Princesse Grace ont été sélectionnés pour ce concours au sommet. Au total, les quinze élèves ont remporté 23 prix, dont quatre médailles d’or.       


Encadré 2

Gala de l’Académie Princesse Grace les 20 et 21 juin, salle Garnier de l’Opéra de Monte-Carlo

Les Ballets de Monte-Carlo dansent deux créations de Kor’Sia et de Lukáš Timulak, du 17 au 20 juillet, salle Garnier de l’Opéra de Monte-Carlo

Parution magazine N°49 (juin, juillet, août)

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