« Monet, en pleine lumière » aux cimaises estivales du Grimaldi Forum

Par Viviane Le Ray, 2 mai 2023 à 14:23, Monaco

Arts en scène

En hommage au 140e anniversaire de la première escale de Claude Monet à Monte-Carlo et sur la Riviera, le Grimaldi Forum Monaco dédie à l’artiste, du 8 juillet au 3 septembre 2023, l’une des plus importantes monographies de la décennie, et la plus audacieuse, griffée Marianne Mathieu*. Une centaine d’œuvres venues du monde entier seront réunies dans un espace de 3000 m² ! Rencontre avec Catherine Alestchenkoff, directeur des événements culturels.

A quelle période de sa vie Claude Monet découvre-t-il la lumière de la Côte d’Azur et de la Riviera, point d’orgue de l’exposition ?


En 1883, alors qu’il est à mi-parcours de sa longue vie et qu’il s’installe à Giverny, Claude Monet, toujours à la recherche d’inspiration, effectue son premier voyage à destination de Monte-Carlo et de la Riviera qu’il va découvrir avec son ami Pierre-Auguste Renoir. Il y reviendra seul en 1884, puis en 1888. À Monte-Carlo, Antibes, Roquebrune, Bordighera, Dolce Acqua où il immortalisera le magnifique pont, ce sont alors des motifs fixes qui l’intéressent, entourés d’une végétation inconnue qu’il va saisir. Antibes nourrira sa quête, son obsession, de capturer la lumière ; quelque peu perturbé par cette lumière, il s’acharne. Peintre des côtes normandes, des bords de Seine, il va aborder une autre palette de couleurs. Il va même se procurer des tubes de couleurs à dominantes de bleu, rouge, rose, orange, jaune, qu’il n’avait jamais employées auparavant. C’est lors de son dernier séjour à Antibes, en 1888, qu’il anticipera ses célèbres séries, peignant par tous les temps le fort d’Antibes depuis la plage de la Salis…


Nous, « le grand public », pensons connaître l’œuvre de Claude Monet. L’exposition du Grimaldi est d’ores et déjà qualifiée comme étant « la plus audacieuse » de la décennie ? En quoi est-elle si particulière ?


Des tableaux rarement exposés ensemble sont présentés : 25 œuvres exceptionnelles, exposées pour la première fois à proximité même des sites encore préservés où elles ont été créées : ce qui a été l’occasion pour nous de recherches sur des documents d’époque, des plans d’époque, un travail accompli par des topographes, des historiens locaux qui nous ont sorti de véritables pépites qui font que nous avons cette mise en regard. La plupart de ces tableaux proviennent des Etats-Unis, car Durand-Ruel, le marchand de Monet, organise au début du 20e, fin 19e, des ventes à des collectionneurs aux USA. L’exposition réunit plus de trente prêteurs : des collections particulières incluant le Palais princier de Monaco et de grandes institutions internationales parmi lesquelles le Cleveland Museum of Art, le Columbus Museum of Art, le Denver Art Museum, le Hammer Museum de Los Angeles, le musée d’Orsay à Paris, le Museu de Arte de São Paulo Assis Chateaubriand, le Saint Louis Art Museum, le Museo Nacional Thyssen-Bornemisza à Madrid, le Museum Barberini à Postdam, le Philadelphia Museum of Art, le Tel Aviv Museum of Art, le Von der Heydt-Museum à Wuppertal et la Fondation Beyeler à Bâle.


Quelle a été la première impression du commissaire, Marianne Mathieu, à sa découverte de l’espace d’exposition du Grimaldi Forum ?


Un grand étonnement, puis un sentiment de liberté, Marianne a toujours travaillé dans des cadres contraints, comme le musée Marmottan, le musée d’Orsay, entre autres, où elle devait adapter son accrochage à une géographie. L’espace d’exposition du Grimaldi est affranchi de toutes ces contraintes. Je citerai Marianne Mathieu : « Je n’aurais jamais eu l’occasion de développer ce discours narratif sans avoir à disposition une telle liberté pour construire ce parcours. Rendre compréhensible l’approche de Monet en faisant appel à l’exercice du regard. J’ai souhaité offrir au public un vrai moment de partage et vivre une nouvelle expérience de visite à l’appui d’outils de médiation accessibles à tous et simples : observer l’œuvre au plus près, écouter les codes de lecture que nous apportons à bon escient sans oublier une approche immersive naturellement portée par l’œuvre même de Claude Monet. »


Les paroles de Monet à propos de ses célébrissimes Nymphéas


« J’ai mis du temps à comprendre mes nymphéas. Je les cultivais sans songer à les peindre. Un paysage ne vous imprègne pas en un jour… Et puis, tout d’un coup, j’ai eu la révélation des fééries de mon étang. J’ai pris ma palette. Depuis ce temps je n’ai guère eu de modèle. »


Le mot de la fin revient à Marianne Mathieu, commissaire de l’exposition


« L’œuvre de Monet est d’une grande cohérence, de sa jeunesse havraise aux derniers tableaux de Giverny, il ne cherche pas à peindre un motif mais plutôt un moment ; Monet ne peint pas un paysage mais une atmosphère. Sur la Riviera, entre 1883 et 1888, c’est la maturité, Monet se découvre le peintre des séries, c’est aussi le point de départ de ses campagnes. À Giverny, qu’il ne quittera quasiment plus au tournant du siècle, il évolue à nouveau, change de point de vue, et ne peint plus que le miroir de l’eau. Monet abandonne les vues panoramiques au profit d’un cadrage resserré offrant une vision quasi-abstraite de l’eau et ses reflets. Il ne peint pas son jardin mais les seuls éléments que sont l’eau et la lumière. Il représente l’image d’un monde flottant…»



Pour aller plus loin


Historienne de l’art, Marianne Mathieu crée le pôle des relations internationales du musée d’Orsay en 2003 puis assure durant dix ans la direction scientifique du musée Marmottan Monet ; elle assure depuis plus de vingt ans le commissariat d’expositions patrimoniales en France et à l’étranger, dont « Monet collectionneur » (2017, Paris, musée Marmottan Monet) «Julie Manet, la mémoire impressionniste » (2022, Paris, musée Marmottan Monet) et plus récemment « Monet-Mitchell » à la Fondation Louis Vuitton à Paris. Elle est l’auteure de plusieurs essais et ouvrages consacrés à Claude Monet et à l’impressionnisme.

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