+1 029% de croissance, Kalray passe en hypercroissance
De Tech à tech

Eric Baissus, président du Directoire de Kalray © Kalray
Kalray a installé un centre de R&D d’excellence depuis quelques années sur Sophia Antipolis. Design de puces, électronique, développement d’algorithme, code, IA, nouvelle génération de stockage, l’entreprise s’est spécialisée sur la haute technologie et le traitement des données TRÈS rapide. C’est un peu notre Nvidia européen en somme et cocorico oblige, il a l’un de ses points d’ancrage au Sundesk de Valbonne. Eric Baissus, président du directoire de Kalray, répond à trois questions pour la rédaction de SophiaMag.
Kalray a fait un bond de + 1 000 % de CA en un an et a pour ambition de se positionner leader dans les solutions de traitement intensif des données. Est-ce que le spatial fait partie de vos secteurs cibles ?
Il y a bien sûr un besoin de traitement des données au niveau de l’industrie du spatial et on est là face à un vrai challenge, trouver des puces qui puissent aller dans l’espace et tenir. Ça demande en effet un certain nombre de spécificités, notamment en termes de robustesse par rapport aux radiations, et en termes de consommation d’énergie également, car sur un satellite, vous n’avez pas beaucoup de batteries. Kalray travaille avec plusieurs acteurs du secteur spatial, dont Spacetel, pour voir à quel point nos puces pourraient être utilisées dans l’espace. C’est un réel sujet. Après, en termes de marché, ce n’est pas très rentable parce qu’en fait, pour faire du chiffre d’affaires, il faut vendre beaucoup de puces, et comme actuellement, les données sont plutôt sur Terre que dans l’espace, vous avez besoin de beaucoup plus de puces adaptées aux usages terriens qu’aux usages spatiaux. Une transmission de plusieurs térabytes par jour d’information depuis l’espace peut sembler beaucoup mais si l’on compare aux données transmises sur Terre, le volume est négligeable. Dans les datacenters, ce sont plusieurs pétabytes qui sont traités chaque jour (1 pétabyte = 1 000 térabytes) et le stockage n’est pas un problème, même pour ce volume. Donc oui, le spatial est un sujet, et oui, on continue de travailler dessus, par contre ce n’est pas notre cœur de cible.
Votre CA est réparti entre l'Europe, à hauteur de 57 %, et les États-Unis à 43 %. Les marchés asiatiques sont absents ainsi que les pays émergents. Pourquoi ?
Le marché asiatique est un marché important aujourd’hui, par contre dans nos domaines, ce sont les États-Unis qui ont été pionniers et le marché américain est de loin le marché le plus développé aujourd’hui. On a voulu être présents aux Etats-Unis et on a annoncé il y a quelques mois la signature d’un très gros contrat avec un important acteur américain du secteur. Kalray a également rejoint le programme très sélectif Extended Technologies Complete (ETC) en tant que partenaire principal pour les offres de Dell Technologies dans le domaine du stockage. Depuis, les équipes de Kalray travaillent étroitement avec les forces de vente et d’avant-vente de Dell initialement aux États-Unis et depuis le début de l’année, en Europe. On commence en parallèle à se développer sur le continent asiatique. Il faut dire que la Covid n’a pas aidé ici, mais on commence à avoir des clients en Asie et ça progresse petit à petit.
Quels sont les principaux enjeux pour votre activité ?
Il y a plusieurs volets. Sur le plan géopolitique, on fait des puces extrêmement stratégiques, il y a donc un réel intérêt souverain européen. Comme n’importe quel produit sensible, on ne veut pas que certains pays aient accès à un certain type de technologie, il y a donc des règles à l’export évidentes. On est beaucoup soutenus par l’Europe. Kalray est aujourd’hui vu comme le seul acteur européen capable de faire un type de puce de ce niveau de performance. L’Europe est contente de nous avoir ! Récemment, le collectif DeepGreen auquel Kalray participe a annoncé le lancement d’un projet de plateforme open source basée sur l’outil de deep learning embarqué N2D2 du CEA qui va permettre de concevoir, d’optimiser et de déployer les réseaux de neurones IA sur des cibles matérielles variées. L’IA embarquée propose des solutions de traitement des données au plus près de leur source et doit donc pouvoir combiner hautes performances de calcul, fiabilité et frugalité. Le CEA estime que si, actuellement, 80 % des flux de données sont traités sur le Cloud et 20 % localement, l’ordre de grandeur pourrait s’inverser d’ici cinq ans. Au regard de ces prévisions, il est fondamental de se préparer collectivement pour pouvoir disposer d’équipements performants en France et en Europe pour accompagner le déploiement de ces solutions embarquées. Ce projet est un gros projet de R&D collaboratif, co-financé par les États membres de l’Union européenne et piloté par le CEA pour les acteurs français. C’est un réel enjeu de souveraineté. Kalray y prend toute sa part.
Un deuxième enjeu porte sur la sécurisation des chaînes d’approvisionnement. Toute notre industrie est fabless, c’est-à-dire que notre métier, c’est de créer des puces mais pas de les fabriquer. Kalray n’a pas d’usine. Apple non plus. Les puces sont manufacturées chez Samsung en Corée du Sud ou chez TSMC, à Taiwan pour le moment (en attendant l’usine européenne…). Pendant la Covid et jusqu’à début 2023, il y a eu des ruptures d’approvisionnement du fait de la très forte demande. Les datacenters ont été beaucoup sollicités pendant la pandémie et il y a aussi eu un effet mouton, beaucoup de sociétés se mettant à faire du stock pour ne pas souffrir de pénurie (ce qui a créé des pénuries pour les sociétés qui ne stockaient pas…). Aujourd’hui, c’est derrière nous, on est revenu à la normale.
Un troisième enjeu est réellement sociétal. On est sur un marché qui correspond à un besoin crucial. Nous générons tous des données. Ces données, elles n’ont de sens que si on les analyse. On prend souvent l’exemple d’une voiture autonome. C’est une voiture qui est bardée de capteurs qui filment la route, jusque-là, rien de trop intéressant. Par contre si vous mettez un processeur comme le nôtre, il va analyser et alerter ″Attention, il y a un piéton qui traverse, va à gauche″, et au final va permettre de conduire la voiture. Il y a un besoin de plus en plus important de technologie embarquée dans nos sociétés qui sont de plus en plus digitales, et donc il y a un besoin de plus en plus important d’analyse de ces données pour en faire quelque chose d’utile à l’humain. La Covid a eu un effet accélérateur de l’usage digital. Pour un business comme le nôtre, on surfe pleinement sur cette lame de fond, le secteur est en train d’exploser, et notre avance technologique est un atout certain.
À vos CV...
Kalray s’attelle aujourd’hui à développer sa puce de quatrième génération. Ultrasophistiquée, extrêmement fine (une technologie de 4 nanomètres quand la troisième génération était basée sur du 16), Dolomites – il suo nome misterioso - va permettre un grand saut en termes de performance. Ces puces vont être utiles partout où il y a beaucoup de données à analyser (télécoms, stockage intensif des data centers) et l’un des enjeux va être de les traiter en consommant le moins d’énergie possible. Bonne nouvelle, l’entreprise recrute pour l’aider à développer cette nouvelle génération de puces et par extension, le logiciel qui va avec pour permettre une utilisation client. À vos CV donc pour partir à l’assaut du Mont Marmolada (3 343 mètres)…
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