Monsieur le directeur...

Par Frank Davit, 4 septembre 2023 à 22:35

Arts en scène

Il a pris ses fonctions. Didier Deschamps, le nouveau patron du Festival de Danse Cannes Côte d’Azur France, a du cœur à l’ouvrage. Pour la programmation de la manifestation, qui a lieu une fois tous les deux ans, il déploie une belle et forte amplitude de variations chorégraphiques qui vont surprendre, envoûter, émouvoir. Soit des spectacles pour sortir de notre zone de confort et regarder la danse actuelle pour ce qu’elle est, un formidable objet mouvant aux contours polymorphes, aux tonalités polychromes. Qu’ils soient faits d’un matériau brut ou qu’ils soient perlés au fil d’une onde gracile, Didier Deschamps a composé en ce sens une puissante chanson de gestes qui donne corps et âme au Festival, qui lui confère sa « densité ». On l’a rencontré.

Comment reprend-on le flambeau de Brigitte Lefèvre qui vous a précédé dans vos fonctions et qui a marqué la Biennale de son empreinte ?


Nous partageons une amitié réciproque avec Brigitte. Je lui succède à la barre de la Biennale avec sincérité et enthousiasme, avec ma nature aussi qui est différente de la sienne. Il va y avoir bien sûr des continuités avec son travail et puis il y aura ce que je vais m’efforcer d’apporter de mon côté. Au bout du compte, Brigitte tout comme moi sommes là pour programmer des spectacles, faire des choix, apporter des éclairages sur le spectre chorégraphique du moment à travers une programmation…


Précisément, quelle tonalité va prendre cette programmation ?                                                                      


Je suis très désireux d’explorer un registre qui touche à des spectacles performances. J’entends par là des spectacles qui invitent le public dans un autre type de dispositif, en extérieur par exemple dans l’espace public, avec des formes chorégraphiques qui se prêtent à l’exercice et à cet échange direct avec les gens. Cela privilégie la spontanéité, une façon de transgresser les règles sans agresser, juste aller cueillir un public au coin de la rue, sur le mode de la gratuité. Il va ainsi y avoir comme ça nombre de rendez-vous qui accompagneront le déroulement du Festival. On va jouer les petits poucets en semant ici et là des créations dansées grâce à la complicité de chorégraphes invités, tels un opus signé Jann Gallois sur le parvis du Palais des Festivals et à Cannes la Bocca par exemple ou Antoine Le Menestrel qui évoluera sur la façade du Cineum en hommage au cinéaste acteur cascadeur du muet Harold Lloyd.


La danse comme une force vive, un minerai brut d’énergies… Á l’aune de cette vision, on se dit que la jeunesse aura sa place dans la Biennale?                                                                                                      


J’y tiens beaucoup, en effet. 70 élèves de cinq écoles supérieures nationales de danse sont ainsi programmés en ouverture du Festival, dans le salon des Ambassadeurs du Palais des Festivals. Ils donneront là une performance avant de se produire le lendemain à la Scène 55 de Mougins. C’est comme un souffle vital qui va déferler sur la Biennale…


Si la vocation de la Biennale est celle d’un jaillissement de créativité en liberté, comment allez-vous le retraduire dans les choix de votre programmation ?                                                           


Tout est déjà un peu dit dans l’intitulé de la thématique retenue cette année. Les choses sont formulées d’emblée, cartes sur table. Il va s’agir de « Danses sans Frontières ! » et cela ne se limite pas seulement à des notions géographiques. La danse parle des pulsions du monde, et pour en rendre compte, elle brasse une mixité de cultures, d’imaginaires et s’ouvre de plus en plus à un intense foisonnement en croisant les champs artistiques, en mêlant théâtre, cirque, arts plastiques, art vidéo. Certains chorégraphes viennent de ce qu’on appelle une danse studio, c’est-à-dire d’une écriture du mouvement qui se travaille dans un espace au gré d’un vocabulaire gestuel qui s’invente à partir du corps et de cet espace. D’autres créateurs vont puiser ailleurs la source de leur travail, hybrident les pratiques. Á travers la Biennale et les vingt-sept compagnies qui vont s’y produire, je voudrais proposer au public de ressentir cette extraordinaire diversité et les émotions qui en découlent. Le rôle de l’art en général n’est pas du ressort de la consommation mais dans sa capacité à nous faire voir et réfléchir autrement. Il faut convoquer la surprise face à la découverte d’un spectacle, percuter esprit et sensibilité. Et puis surtout et avant tout, il faut emporter le public dans une aventure de plaisirs…

Parution magazine N°42 (septembre, octobre, novembre)

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