Danser aux 4 vents
des zéphyrs du monde…

Par Frank Davit, 4 septembre 2023 à 22:04

Arts en scène

Cet automne, sur le calendrier de ses émois chorégraphiques, le Festival de Danse Cannes Côte d’Azur revient faire voler en éclats multiples une haute idée du corps en mouvement autour de la thématique « Danses sans frontières ! ». Rendez-vous.

Inventons le mot. « Balletudinaires » de tous bords, réjouissez-vous ! Votre fièvre de spectacles va être à la fois attisée et comblée grâce à l’un des événements les plus effervescents de la scène danse hexagonale : une nouvelle édition de la Biennale de Cannes, élargie à d’autres villes participantes de la Côte d’Azur, de Nice à Draguignan. Néoclassique, contemporain, urbain, hybride, circassien, pluriethnique, flamenco, transgenre… C’est en effet à une célébration totale et sans ostracisme de l’art de danser sous toutes ses formes et ses déclinaisons connexes qu’invitera la manifestation, dès la fin novembre durant près de trois semaines avec plus de trente spectacles à l’affiche ponctués de conférences, rencontres, ateliers, tables rondes, projections... Lors des quatre précédentes éditions, Brigitte Lefèvre, ex-première dame en chef de la danse à l’Opéra de Paris pendant trente ans, avait brillamment et chaleureusement présidé aux destinées de la Biennale. Pour ce nouveau tour de valse Croisette et bien au-delà, elle a cédé sa place à Didier Deschamps. Une personnalité bien connue des aficionados (ne pas confondre avec son homonyme footballistique), qui va à son tour guider les pas du festival pour l’emporter dans un tourbillon de rythmes et de gestes taillés au biseau de chorégraphes affûtés. Trisha Brown, Thierry Malandain, Sharon Eyal et Gai Behar, Damien Jalet, Michèle Noiret, Michel Kelemenis, Paula Comitre (pour ne citer qu’eux). Plus qu’entrer dans les détails d’une programmation faste déployée entre Var et Alpes-Maritimes avec Cannes pour épicentre, vouloir donner les contours de cette Biennale 2023 revient à évoquer les lueurs d’un foyer où le feu de la danse « flambe », dans le sens où on emploie le mot à propos d’un joueur. 


Vingt-sept compagnies dans la mouvance


« La danse parle des pulsions du monde, analyse Didier Deschamps, et pour en rendre compte, elle brasse une mixité de cultures, d’imaginaires et s’ouvre de plus en plus à un intense foisonnement en croisant les champs artistiques, en mêlant théâtre, cirque, arts plastiques, art vidéo. Certains chorégraphes viennent de ce qu’on appelle une danse studio, c’est-à-dire d’une écriture du mouvement qui se travaille dans un espace au gré d’un vocabulaire gestuel qui s’invente à partir du corps et de cet espace. D’autres créateurs vont puiser ailleurs la source de leur travail, hybrident les pratiques. Á travers la Biennale et les vingt-sept compagnies qui vont s’y produire, je voudrais proposer au public de ressentir cette extraordinaire diversité et les émotions qui en découlent. Le rôle de l’art en général n’est pas du ressort de la consommation mais dans sa capacité à nous faire voir et réfléchir autrement. Il faut convoquer la surprise face à la découverte d’un spectacle, percuter esprit et sensibilité. Et puis surtout et avant tout, il faut emporter le public dans une aventure de plaisirs… »


Chaînons dansants


Un marathon de dates ininterrompu dans un tourbillon chorégraphique de trois semaines. Des grands soirs avec des têtes d’affiche. Des impromptus avec des jeunes talents en plein essor. Des pas de côté dans le sillage de créateurs singuliers, détonants. Des invités venus de loin (Theatre of Taïwan, Compagnie Nationale de Danse Contemporaine de Norvège, Compania Paula Comitre, Compagnie Amala Dianor…). Une compétition de films courts… Concrètement, la danse s’apprête à faire son Festival de Cannes avec panache, en se propageant comme de la foudre aux yeux dans des villes voisines, Nice, Antibes, Grasse, Mougins, Carros, Draguignan, Fréjus, sans oublier Cannes la Bocca. Différents lieux, différents spectacles et autant d’écritures chorégraphiques à la clé. De la danse qui danse. Des choses qui bougent autrement ou plutôt qui font bouger ensemble différents arts de la scène à la faveur de métissages inspirés, iconoclastes, dans l’air du temps. Cirque, vidéo, théâtre qui s’entrechoquent, s’entrelacent autour ou au détour de motifs dansés. Sinuosités d’un écheveau de mouvances urbaines qui sont venues se greffer ces dernières années au monde du ballet contemporain notamment, engendrant de nouvelles effusions, de nouvelles euphories chorégraphiques… Sommes-nous devant des installations d’arts plastiques animées ? Assistons-nous à une mutation en profondeur en train de propulser la danse dans une autre dimension, plus révoltée, en résonance avec des problématiques qui irriguent nos débats sociétaux les plus brûlants ? Didier Deschamps a des réponses à ces questionnements.


« S'extraire de certains codes et habitudes pour solliciter l’intérêt du spectateur à travers des imaginaires d’aujourd’hui peut s’avérer fructueux, estime ce dernier. C’est comme lire de la poésie qui, à travers la puissance d’expression d’un créateur, nous parle de l’humain avec émotion. Pour autant, un spectacle n’a pas vocation, à mes yeux, à tenir lieu d’amphithéâtre universitaire pour débattre de tel ou tel sujet. Il doit rester spectaculaire, en quelque sorte ! » Grâce à quoi, la Biennale sera, une fois encore, la plus belle pour aller danser, tous azimuts !



Un homme de l’art


« Nul ne sait ce que peut le corps. » Didier Deschamps a fait siens ces mots du philosophe Spinoza. « Et je dirai même mieux, sourit celui-ci, nul ne sait ce que peut un danseur ! » En la matière, le tout nouveau directeur artistique du Festival de Danse de Cannes désormais en version pan-azuréenne sait de quoi il parle. Lui-même danseur à ses débuts, il est passé par le studio d’un géant de l’histoire de la danse, Merce Cunningham, a transité par différentes compagnies internationales, est devenu un chorégraphe reconnu tout en se faisant passeur de sa passion pour l’art de Terpsichore, se consacrant à son enseignement au sein de grandes institutions publiques. Mais au-delà de bien d’autres indices de son brio, sur la trajectoire fertile de son accomplissement, Didier Deschamps est surtout heureux d’une chose : avoir participé à l’avènement du tout premier Théâtre National de la Danse de Chaillot, à Paris, qu’il a dirigé pendant dix ans jusqu’en 2021. Un acte décisif pour une reconnaissance de la danse au premier plan des arts du spectacle vivant. La poursuite d’un élan et d’une ferveur au cœur de son travail, qui le voit aujourd’hui à la tête de la Biennale. Une véritable éthique de vie, en somme. Spinoza n’aurait pas dit mieux !



Festival de Danse Cannes Côte d’Azur France du 24 novembre au 10 décembre / toutes les dates et lieux de la programmation sur www.festivaldedanse-cannes.com


Parution magazine N°42 (septembre, octobre, novembre)

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