Le développement de l’intelligence artificielle ? Oui, mais pour quoi faire et pour qui ?

Par Jacques Jacquet-Stemmelen, 1 septembre 2020 à 21:46

De Tech à tech

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Les pôles technologiques chargés d’accueillir les Instituts Interdisciplinaires d’Intelligence Artificielle (3IA), cette fois désignés, leur structuration a débuté notamment sur deux plans : l’appel à candidature de doctorants sur une liste de projets de thèse et l’organisation des travaux de recherche répartis en différentes chaires.


Le processus de désignation a donné lieu à des recommandations en matière de positionnement des 4 pôles d’où il ressort : la santé, thème commun à tous les élus et en complément : l’environnement pour Toulouse, Paris et Grenoble, les transports à Paris et Toulouse, l’énergie à Grenoble, et le développement des territoires à Nice. Ces recommandations étant, le « 3IA » Côte d’Azur fonde son développement sur 4 axes scientifiques :l’IA fondamentale (statistiques, machine et deep learning), la médecine computationnelle, la biologie computationnelle et l’IA bio-inspirée, enfin, les territoires intelligents et sécurisés. Notons que cet élan structurant s’accompagne de multiples initiatives émanant des territoires et des Universités qui, ne faisant pas partie du réseau national 3IA, s’apprêtent à apporter, par exemple dans le cadre transnational européen « Horizon Europe », un concours significatif au développement de l’IA .


Les annonces des programmes nationaux d’investissement en IA se succèdent de l’Est à l’Ouest du globe : raison de cette folie terrestre : 70% des entreprises, selon le Global Institute McKinsey , auraient à l’horizon 2030 intégré au moins un outil d’IA et un peu moins de la moitié d’entre elles aurait intégré les 5 fonctions majeures de l’IA, à savoir : la vision numérique, le traitement du langage, l’assistant virtuel, l’automatisation des process et les machines learning. Résultat : une valeur créée de 13 000 milliards de $ qui pourraient s’ajouter en 2030 au PIB de la planète. Cette vague de richesse entraînerait, à l’échelle européenne, la disparition de 20 à 30 millions d’emplois et, en parallèle, 80 millions d’emplois devraient être adaptés à et par l’IA.


Cette perspective de développement prendrait, selon McKinsey, des traits asymétriques : favorables aux entreprises secteurs high-tech, financiers ou dans les télécoms, beaucoup moins du côté de la construction, de l’éducation ou de l’industrie automobile. C’est cette perspective que l’étude prospective « Intelligence artificielle - État de l’art et perspectives pour la France » propose d’approfondir. Ce rapport, outre qu’il dresse un état de l’art des technologies IA d’une rare qualité, établit un classement international des secteurs quant à l’impact de l’IA sur leur fonctionnement actuel et futur. Si à l’échelle internationale, les 3 secteurs qui occupent le podium sont : les télécommunications et technologies numériques, la santé et les services financiers, les industries manufacturières dont l’automobile arrivant au pied du podium, la transposition de ce classement à l’échelle de la France met la santé en n°1 suivi des industries manufacturières puis des transports et mobilité, le secteur de l’énergie (services électricité, gaz et eau) étant au 4ème rang suivi de l’environnement. Après le passage en revue de 15 secteurs , le rapport procède à une analyse approfondie des 4 premiers secteurs les plus exposés à l’impact de l’IA dont l’Industrie. Avec, en 2016, une part de 69% des dépenses totales de R&D et 68% de la valeur totale des exportations, l’Industrie est au 3ème rang des secteurs exposés à l’IA et plus particulièrement la branche de l’industrie agroalimentaire dont le poids est estimé à un peu moins de 20% suivie de l’industrie chimique et pharmaceutique (13%) ou encore la métallurgie et les produits métalliques (11%).


Seuls les matériels de transports, la chimie-parfums-cosmétiques, les produits de l’agroalimentaire et les produits pharmaceutiques affichent un solde commercial positif entre 2010 et 2015. Mais voilà, ces performances ne doivent pas cacher les grandes faiblesses de ces secteurs avec un taux de robotisation faible, une intégration du numérique en retard par rapport à la moyenne européenne, et globalement un environnement peu perméable aux innovations digitales. Ainsi, le rapport constate que la digitalisation et son pendant l’intégration de l’IA sont encore peu présentes dans l’Industrie, sans omettre de mentionner, outre la grande exposition à l’IA, les résistances qui s’expriment souvent par des demandes répétées de « preuves de concept » témoignant d’un double mouvement de curiosité et de scepticisme. Si le rapport s’attache à expliquer les raisons de cette distance, on ne peut ignorer que pendant ce temps-là, les pays comme les US, la Chine, la Corée du Sud, le Canada et nombre pays d’Europe aux premiers rangs desquels l’Allemagne, mettent les bouchées doubles pour développer des théâtres d’expérimentation afin de doter leurs industries manufacturières des compétences et des outils IA aux fins d’occuper les marchés des produits manufacturiers de demain. Non content de ces constats, le rapport formule des recommandations dignes d’être lues avec attention et en particulier sur l’enjeu que constitue les data centers.


Cela conduit naturellement à s’interroger sur le devenir du tissu des PME françaises, notamment relevant du secteur manufacturier, agroalimentaire, du transport, mais aussi des secteurs de l’éducation et de la recherche, de l’agriculture, du bâtiment, du commerce de détail voire des professions juridiques ; autant de secteurs qui ne manqueront pas d’être exposés à une adaptation contrainte aux impacts de l’IA. On peut alors se demander quelle place occuperont ces industries manufacturières, notamment des parfums-arômes de notre département , dans les travaux des instituts 3IA, sinon une place de choix, mais qui, à défaut, pourrait conduire ces activités à une relégation certaine au plan international. Admettons qu’il s’agisse là d’une pure hypothèse sans fondement.


Parution magazine N°29 (septembre, octobre, novembre)

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