Le monde assurantiel en effervescence

Par La rédaction, 23 février 2024 à 19:07

Responsabilité Sociale Exigée

Richard Restuccia est co-gérant du cabinet de courtage Novelliance et président du conseil d’administration de l’Orias, l’Organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance, depuis le 1er janvier 2023. La rédaction l’a rencontré pour faire le point sur les enjeux assurantiels en cours et à venir.

Quels sont les principaux enjeux assurantiels aujourd’hui en matière de risque cyber ?


C’est un sujet majeur de préoccupation et d’intérêt chez les assurances. Sur le plan des statistiques, il faut savoir que le risque cyber est récemment passé devant le risque incendie. C’est un changement majeur. Aujourd’hui, on ne dit plus à un client, ‘est-ce que vous êtes susceptible de subir une attaque numérique ?’ mais plutôt ‘quand allez-vous vous faire hacker ?’.


Les assurances évidemment se sont adaptées à ce changement, notamment en matière de capacité financière et organisationnelle. La plupart des assureurs proposent aujourd’hui des produits d’assurance pour couvrir le risque cyber, que ce soit en lien avec du ransomware ou pour couvrir des pertes d’exploitation, conséquences d’un acte malveillant cyber. Après tout, cela fait partie du savoir-faire des assureurs que de calibrer des offres de protection sur des bases statistiques.


Il est intéressant d’observer que l’on voit apparaître de nouveaux acteurs depuis quelques années qui se spécialisent uniquement dans le risque cyber, et qui au passage, bousculent les codes traditionnels des assurances. Ce sont généralement des coutiers grossistes avec plusieurs réassureurs derrière qui portent le risque. Les deux sociétés françaises les plus importantes aujourd’hui dans ce domaine sont Dattak et Stoik. Leur approche est différente des approches classiques. Parmi les éléments différenciants, on trouve une tarification du risque qui est faite sur base d’un scan initial du système de l’entreprise paramétré pour trouver les failles. Et ça ne s’arrête pas au diagnostic. Ces nouveaux assureurs ultra-spécialisés continuent de scanner en permanence les adresses email de l’entreprise, le système interne, le site internet, toujours avec l’objectif de détecter les failles de sécurité le plus en amont possible pour limiter des conséquences qui seraient désastreuses. Il ne peut pas y avoir d’assurance qui perdure dans le temps s’il n’y a pas de prévention. C’est la base de notre métier.


Quels sont les principaux enjeux autour de l’assurabilité des risques climatiques et comment le système français évolue ?


La couverture médiatique donne parfois l’impression que les assureurs ne veulent pas financer les risques de catastrophes naturelles. Or c’est faux pour au moins deux raisons. La première est qu’il y a une obligation d’être indemnisé lorsque l’épisode de catastrophe naturel est décrété par l’État. La deuxième, c’est que cela relève de l’essence même de l’assureur que d’indemniser les personnes lorsqu’elles sont victimes de dommages.


Sur le plan des risques climatique, aujourd’hui, nous sommes dans un dysfonctionnement total qui met à plat toutes les statistiques passées sur lesquelles les assureurs ont l’habitude de s’appuyer. La tendance est en forte hausse et ne semble pas prêt de baisser. Les assureurs tirent donc la sonnette d’alarme car à un moment donné, si rien n’est mis en place, il pourra y avoir défaut de paiement. Ce qui a été payé par les assurances en 2023 pour des dommages en lien avec des catastrophes naturelles se montent à plus de 300 milliards au global. C’est énorme.


Quel est de votre point de vue les forces et faiblesses actuels du système assurantiel français ? Et quelle est la tendance mondiale ?


Le système français évolue de manière précautionneuse. Une des premières mesures qui va prendre effet au 1er janvier 2025 est l’augmentation des cotisations de primes d’assurance couvrant les catastrophes naturelles. La prime CATNAT est basée sur la prime que vous payez pour votre assurance habitation. Actuellement, c’est 12%, à partir de 2025, ce sera 20%. Quand on fait le calcul sur une assurance habitation, ça reste raisonnable et ne représente généralement que quelques euros de plus.


Les assureurs, les réassureurs et les services de l’État discutent ensemble en ce moment pour voir comment le système pourrait être réformé. Cela demande une augmentation des cotisations mais cela demande aussi une participation de l’État supérieure pour venir renforcer ce qu’ont prévu les assureurs. Il y a des seuils en-dessous desquels l’État n’intervient pas.


En tant qu’intermédiaire d’assurance, j’ai bien sûr un point de vue sur les forces et faiblesses actuelles du système français. On est dans un monde qui évolue beaucoup. Je suis assez confiant parce que les assureurs se sont toujours adaptés. Quand les assureurs n’ont pas encore de statistiques parce que c’est un risque nouveau, ils ont besoin de jauger le terrain pour savoir quelles sont les garanties à mettre en face et quelles sont surtout les primes à mettre en face. On est dans un monde qui bouge et il va falloir que tout le monde s’adapte.


En France, nous sommes très bien lotis en matière d’assurance. Les assureurs sont tenus de respecter des règles de solvabilité minimales qui sont déterminées et vérifiées en permanence par l’Autorité de contrôle. Si une société d’assurance perd sa solvabilité, l’autorité de contrôle interviendrait immédiatement pour demander à la compagnie d’assurance d’arrêter son activité. Dans ce cas, les risques sont répartis auprès des autres assureurs ce qui est une protection extrêmement importante, il y a beaucoup de pays où ce n’est pas le cas.


On ne fait pas grand-chose sans assurance et quelle que soit l’évolution du monde, cela au moins aura le mérite de rester une constante.

Parution magazine N°44 (mars, avril, mai)

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