Maillot ou la danse en destin...

Par Frank Davit, 5 décembre 2024 à 23:19

Arts en scène

Un livre qui vient de sortir, La danse en festin, paru chez Gallimard, où il raconte sa trajectoire artistique de l’intérieur, du plus profond de son être, au cœur de l’expérience intime qu’est l’acte de créer. Des spectacles en tournée. Et là, dans l’immédiat, le Monaco Dance Forum et La Mégère apprivoisée. Au milieu de son actualité bien remplie, Jean-Christophe Maillot nous a accordé un entretien. Et ce qui transparaît dans les propos de cet homme aux soixante-cinq créations et aux multiples récompenses (dont trois Masques d’or pour La Mégère, les plus hautes distinctions du monde la danse), c'est l’image d’un créateur dans la plénitude de son travail et dans la conscience de son œuvre. Portrait d’un artiste en jeu avec son art, pour la beauté du geste ! Maillot ou la danse en destin…

Divertir, surprendre, émouvoir… Au fil du temps, qu’est-ce qui vous séduit dans la dynamique du Monaco Dance Forum et dans sa mise en œuvre ?


Le Monaco Dance Forum est une formidable opportunité de montrer la diversité des langages chorégraphiques. C’est essentiel car comme tout art, la danse connaît des modes, des courants et même parfois des dogmatismes dans lesquels tout un chacun peut se laisser enfermer. En début de saison, lorsque nous ébauchons la programmation du Monaco Dance Forum avec Josu Zabala, je m’oblige à regarder vers tous les horizons de l’art chorégraphique. J’ai toujours refusé les étiquettes et les appartenances qui sont des freins à la création et ce festival est le plus sûr moyen de les tenir à distance.


Après plus de trente ans à la tête des Ballets de Monte-Carlo, garder la foi, faire acte de renouveau, se réinventer... Qu’est ce qui fait courir Jean-Christophe Maillot ?


Mon rapport au temps a changé. Je ne suis plus dans cette dynamique qui pousse un chorégraphe à créer une œuvre, voire plusieurs, chaque année pour creuser son sillon dans le paysage culturel. Je ne ressens plus cette urgence à créer pour faire mes preuves. J’ai créé 65 ballets et j’ai à présent une idée claire de ce qui rend mon répertoire singulier. J’aime le voir évoluer au gré des nouveaux danseurs qui intègrent la compagnie et qui rendent sa lecture chaque fois différente. Quant à la création, je lui donne plus de temps. Je ne me précipite pas sur un ballet. Je le laisse grossir dans un coin de ma tête et quand il arrive à maturité… je presse.


Que vous inspire l’acte de danser aujourd’hui ?


Actuellement, c’est indéniable, il y a une explosion de propositions chorégraphiques qui font feu de toute tendance et tendent à désacraliser l’acte même de créer. Est-ce bien, est-ce mal ? Ni l’un ni l’autre. Comme dans toute évolution, certaines de ces propositions sont ridicules, d’autres sont innovantes. Le temps fera son œuvre et démêlera le pertinent du superflu.


Vous reprenez l’un de vos ballets, La Mégère apprivoisée, où les rapports homme/femme sont au cœur du propos.


J’ai toujours fait des ballets de femmes. Je veux dire par là que dans tous mes ballets, ce sont elles qui font preuve de clairvoyance et agissent pour se donner les moyens d’atteindre leurs objectifs. Les hommes y sont moins fins. Ils sont davantage occupés à incarner les valeurs qu’on attend d’eux : virilité, fierté, réussite sociale… Dans mes ballets, ce sont les femmes qui font voler cela en éclats. Juliette et Cendrillon en sont deux exemples. Cela ne se fait pas sans difficultés, il y a pas mal d’obstacles tels que la prédation des hommes ou le patriarcat en effet mais il y a aussi des choses plus sournoises et que l’on remet moins facilement en question, aujourd’hui encore : les conventions liées à l’origine sociale, à l’argent, à la reproduction des classes entre elles. Et là, qu’on soit femme ou homme, tout le monde participe et veille au grain. C’est cela précisément que refuse Katharina dans ma Mégère apprivoisée.

Parution magazine N°47 (décembre, janvier, février)

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