ONHYS, la simulation des flux piétons au service de l’amélioration des infrastructures

Par Emmanuel Maumon, 1 septembre 2023 à 13:39

De Tech à tech

Entreprise sophipolitaine spécialisée dans la modélisation et la simulation des comportements de foule dans les espaces urbains, ONHYS a été créée en 2015. Après avoir monté plusieurs projets innovants, ONHYS a sorti son premier logiciel de simulation des flux piétons fin 2019. Aujourd’hui, la société regroupe une dizaine de personnes : docteurs en informatique, ingénieurs et urbanistes. Rencontre avec son président fondateur Sébastien Paris pour évoquer les principales activités d’ONHYS, et en quoi les solutions qu’elle propose sont particulièrement innovantes.

Sébastien Paris, peut-on commencer par présenter les domaines d’activité de votre société ?


Notre activité principale consiste à éditer un logiciel de simulation des flux piétons permettant de reproduire en virtuel, dans un jumeau numérique, toute infrastructure publique ou tout environnement urbain. Grâce à ce logiciel, il est possible d’y simuler les comportements des gens pour améliorer les procédures de sécurité, les solutions de mobilité et la qualité de services offerts aux usagers. Nous avons également une partie de nos activités gérée par des urbanistes. Ces derniers vont appliquer nos solutions technologiques pour nos clients en effectuant des études de flux. Un service qui va permettre à nos clients de prendre des décisions éclairées sur les aménagements d’une infrastructure. 


Aujourd’hui, la majeure partie de la population vit dans des villes et cette urbanisation soulève de nombreuses questions, notamment en matière de mobilité. De quelle manière les solutions proposées par ONHYS peuvent-elles aider à bien concevoir les espaces urbains et les transports ?


Les questions liées à la mobilité sont de plusieurs natures. Elles sont d’abord liées à l’aisance de circulation et à la façon de s’approprier un lieu. Nous sommes bien au courant de cette problématique à Sophia Antipolis avec les bouchons que nous constatons régulièrement. Nos solutions aident à concevoir un système de transport qui fonctionne correctement et incite la population à se tourner vers des transports plus écologiques. Elles permettent de tester ce système en amont afin d’être certain qu’il corresponde véritablement aux besoins de la population. 


La mobilité pose également des questions en matière de sécurité, avec deux thématiques traitées par nos solutions. La première liée à l’usage standard d’un lieu comme un quai de gare en sortie d’un match de football. Il importe de veiller à ce que la densité n’augmente pas trop, tout simplement afin que les gens ne tombent pas sur les rails. La seconde concerne la gestion de crise. Nos solutions permettent de mettre en place des procédures d’évacuation d’urgence d’un lieu, suite à un incendie, un attentat ou une catastrophe naturelle. 


Des solutions qui s’appuient sur le BIM et l’intelligence artificielle 


Quelles technologies utilisez-vous pour simuler les comportements des usagers dans les espaces urbains. Est-ce un mix entre le BIM (Building Information Modeling) et l’intelligence artificielle ?


C’est exactement cela. Notre logiciel est le seul au monde à être 100 % conçu autour du BIM. Ainsi, lorsque vous créez une maquette d’environnement avec un logiciel de design BIM comme Archicad, vous allez pouvoir utiliser cette maquette directement dans notre logiciel. C’est un point très important car cela permet de tester toutes les évolutions d’un projet. Or la plupart des projets nécessite de multiples adaptations au cours des différentes phases de travaux. 


Concernant l’intelligence artificielle, nous avons une approche assez unique, qui se fonde sur les sciences cognitives. Grâce à des algorithmes, nous reproduisons le comportement humain et les personnes que nous allons simuler vont avoir un certain nombre de processus internes qui correspondent à la réalité des comportements humains. Elles vont être capables de percevoir leur environnement, de digérer cette perception, de la mémoriser et de prendre des décisions éclairées en se fondant sur cette perception et sur les interactions qu’elles ont alentour.  


Vous proposez principalement deux solutions : ONHYS One et ONHYS Qualia. Quelles sont leurs caractéristiques respectives ?


ONHYS One est un simulateur de comportement piétons. Il s’agit d’un logiciel que l’on installe sur un PC standard, et qui s’adresse essentiellement aux opérateurs d’infrastructures accueillant du public. Nous avons notamment comme clients la SNCF, l’Olympique de Marseille et des collectivités qui utilisent ce logiciel pour gérer les foules lors d’événements spécifiques comme un marché de Noël ou un feu d’artifice du 14 Juillet. ONHYS One est utilisé en planification, en amont d’un événement, afin de mettre en place toutes les procédures nécessaires à sa gestion.


ONHYS Qualia est, lui, un outil de gestion opérationnel qui donne une vue en temps réel de ce qui se passe dans votre environnement. Ceci grâce à un jumeau numérique 3D, des cartes de chaleur et des tracés de parcours piétons qui vous indiquent où sont les gens et ce qu’ils font en matière de déplacement. Le tour de force réussi par ONHYS Qualia est qu’il n’a recours à aucune donnée personnelle pour son fonctionnement. Il ne donne que des informations statistiques, mais qui sont extrêmement précises.   


L’utilisateur au centre des processus urbains  


Vous positionnez l’utilisateur au centre des processus urbains. En quoi vos logiciels et expertises permettent-ils aux décideurs de concevoir des villes centrées sur l’amélioration de l’expérience utilisateur ?


Un système urbain doit normalement être conçu autour de ses usagers. Pour pouvoir répondre aux besoins d’une population, il faut les connaître. Pourtant, très peu d’outils existent aujourd’hui pour cela. Il est notamment très compliqué d’avoir une bonne connaissance des mouvements de population au cours de la journée. ONHYS fournit cette donnée-là aux décideurs qui auront déjà une bonne vision de ce qui se passe dans leur ville. Nous leur fournissons également des outils de simulation qui vont leur permettre de tester différentes solutions et de savoir comment la population va réagir face à une nouvelle ligne de bus ou à la piétonisation d’un quartier. Le fait de pouvoir tester permet de se tromper à moindre coût, jusqu’à arriver à une solution acceptable et démontrable. Grâce à nos outils, les décideurs peuvent illustrer leurs choix avec des métriques très concrètes et démontrer la pertinence de leurs solutions. 


Votre simulateur est particulièrement performant en matière de gestion des mouvements de foule. Cela permet-il d’anticiper des problèmes de sécurité ?


Absolument et nous nous sommes positionnés très fortement sur cette thématique pour les Jeux Olympiques. Nous avons d’ailleurs été évalués avec succès en janvier par le ministère de l’Intérieur. Notre simulateur permet de déterminer les points de dangerosité dans un environnement, aussi bien en situation normale qu’exceptionnelle. Un soir de match, une file d’attente se crée à l’entrée d’un stade. Si vos contrôles d’accès ne sont pas suffisamment bien dimensionnés, cette file d’attente peut déborder sur la voie publique et mettre en danger des personnes. En gestion de crise, notre logiciel permet d’anticiper les scénarios d’évacuation d’un stade en urgence, et de montrer aux équipes de sécurité ce qu’il va se passer dans ces conditions. Un moyen d’éviter que ne se reproduisent les catastrophes du type de celle qui a eu lieu lors de la finale de la Champions League au Stade de France.


Puisque nous sommes à Sophia Antipolis et que vous l’avez déjà évoqué, avez-vous une solution pour améliorer les flux de circulation, même si ce sont plus des flux automobiles que piétons ?


Pas encore, mais nous y travaillons. Avec plusieurs partenaires, nous avons lancé il y a un an le projet Serenity qui vise à appliquer nos solutions sur des aspects multimodaux. En plus d’être capables de simuler et superviser les flux piétons, nous pourrons le faire pour l’intégralité des modalités de transport. Cela concerne aussi bien les transports publics ou les transports routiers que les déplacements à pied, à vélo ou à trottinette. De plus, nous serons en mesure de les superviser en continuité et de gérer les déplacements de personnes qui prennent leur voiture, la déposent à un parking pour prendre un bus et terminent en marche à pied. La première expérimentation aura lieu à Marseille, mais pour Sophia cela pourrait être extrêmement intéressant. La multimodalité y est en effet très présente. Serenity permettrait de designer ce système beaucoup mieux et plus aisément.

Parution magazine N°42 (septembre, octobre, novembre)

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