SAP Labs France, Olena Kushakovska met plein cap sur AI4Business
De Tech à tech

Olena Kushakovska, présidente de SAP Labs France © SAP Labs France
Elle a poussé les portes de SAP Labs en 2000, à l’époque où l’entreprise venait de s’installer sur Sophia Antipolis, à l’époque où l’entreprise ne comptait qu’une quinzaine d’employés. Vingt-trois ans plus tard, elle dirige 400 personnes sur trois sites différents, sur Sophia, Paris et Caen. Entretien avec Olena Kushakovska, la nouvelle présidente de SAP Labs France. Une dame de faire, incontestablement.
Olena Kushakovska ne regrette probablement pas le choix qui a été le sien il y a 25 ans de suivre son mari, originaire de Juan-les-Pins, qui en avait assez des pluies de Londres. Après deux ans de recherche doctorale en mathématiques appliquées, elle expérimente la difficulté de trouver du travail sur la Côte d’Azur en ayant pourtant de bons bagages. Elle se remet en question, suit une formation de niveau Master à distance en informatique, et ça paye. SAP lui ouvre les portes et l’embauche en tant que développeur. Ce sera le début d’une longue aventure.
I comme ICAIR
Cet acronyme d’initiés – ICAIR pour Industrial Council of Artificial Intelligence Research – lui est redevable. Elle a co-fondé l’instance en 2019 avec Gilles Floyrac, alors président d’Amadeus. Il y avait à l’époque un tel engouement autour de la labellisation 3AI du territoire que les industriels ne voulaient pas que cela retombe. Chaque grosse entreprise installée à Sophia a ses propres chercheurs en IA mais concurrence oblige, cette matière grise restait compartimentée entreprise par entreprise en raison de la confidentialité liée au secret d’affaires. ICAIR est née de la volonté locale d’une poignée de décideurs industriels de favoriser les échanges informels entre leurs chercheurs en IA. Non pas pour s’espionner les uns les autres, mais pour échanger sur les enjeux d’une nouvelle technologie révolutionnaire à impact sociétal fulgurant. Concrètement, des points d’échanges se font régulièrement entre les membres pour diffuser les travaux publics de recherche des uns auprès des autres, des fronts communs sont faits pour certains plaidoyers (Sustainable AI Manifesto) et ICAIR s’affiche en propre sur certains événements, notamment au Soph.I.A. Summit pour montrer qu’au niveau de la recherche, la concurrence doit s’effacer au vu des enjeux globaux. Cette fertilisation croisée a plutôt bien essaimé localement et quatorze grosses entreprises azuréennes en font partie à date, dont la majorité installée sur Sophia (Accenture – ACRI-ST – Air France - Amadeus - ARM - Docaposte – HP – IBM – NXP Semiconductors – Orange - Renault Software Labs – SAP Labs France – STMicroelectronics – Thales Alenia Space). Certains ICAIR-iens font localement partie du Cluster IA et à périmètre plus large, des projets européens AI4EU (qui a vocation à accélérer l’innovation) et GAIA-X (le projet de Cloud souverain européen). Au cœur de l’approche de ce collectif, l’envie de rendre cette nouvelle technologie fiable et sobre pour la mettre au service de l’humanité. On ne peut que leur souhaiter du succès.
AI4Business & Business4AI
L’écosystème de Sophia Antipolis est particulièrement propice à la diffusion large d’une approche AI au niveau des entreprises. Le site de SAP sur Sophia Antipolis est reconnu pour son expertise sur le volet IA et cybersécurité et les équipes de R&D du Labs sont souvent sollicitées à ce sujet. Plus largement, l’entreprise a tissé des liens privilégiés, au fil des ans et au fur et à mesure des rencontres, avec les autres acteurs IA du territoire azuréen (3IA Côte d’Azur, Cluster IA) et rien que sur le site de Sophia, une cinquantaine de chercheurs et de doctorants travaillent en collaboration avec l’entreprise en recherche appliquée avec 18 brevets déjà acceptés. Le crédit d’impôt recherche et le dispositif national d’incitation à l’embauche des jeunes docteurs facilitent les interactions recherche-industrie et permettent à l’antenne française de SAP Labs de se différencier en interne, car au sein du groupe, plusieurs entités SAP jouent aussi des coudes pour être considérées comme Lab de référence IA. Le site de Sophia a beaucoup d’atouts pour peser dans les débats en cours et contribuer à façonner les solutions les plus pertinentes dans un état d’esprit entrepreneurial sain. Reste à convaincre en interne et un levier peut être la diffusion de l’IA au sein des entreprises locales. C’est un réel enjeu et c’est l’ambition affichée de la nouvelle gouvernance.
Quelles que soient la taille et l’activité de l’entreprise, trois arguments sont clés pour Olena Kushakovska pour sauter dans le train en marche de la révolution technologique actuelle. Les premiers modèles d’IA générative sont entrainés à partir d’énormes bases de données non contextualisées à l’activité de l’entreprise. Ce sont les Foundation Models de type ChatGPT ou BARD. Les applications qui vont en dériver vont donc devoir nécessairement être acculturées aux données et aux process internes d’entreprise. Si l’on ne veut pas rater le virage de l’IA ou accumuler du retard, c’est une raison suffisante pour s’y intéresser. Une deuxième raison est qu’une IA bien paramétrée et utilisée à bon escient dans une entreprise peut aider à détecter des erreurs humaines et donc à être plus efficace. L’IA n’est pas infaillible, certes, mais si on la connecte au Larousse, il est fort probable que les fautes d’orthographe se diffuseront moins... Une troisième raison enfin est que le déploiement concomitant de la 5G va permettre des innovations intéressantes et notamment la possibilité de créer des réseaux passifs qui ne nécessitent pas d’alimentation électrique pour fonctionner. Le champ des futurs possibles devient alors vertigineux…
Dans ce sprint sociétal et économique à la transition numérique, SAP Labs France peut compter sur ses forces internes et sur un terreau local particulièrement fertile. Le pari de la nouvelle gouvernance est de se positionner en leader pour peser suffisamment dans les débats techniques et technologiques sur les sujets d’IA. La force de frappe de l’entreprise est immense avec 78 % des transactions financières mondiales qui passent à un moment ou un autre par un système SAP. C’est une sacrée responsabilité d’entreprise et c’est en pleine conscience que SAP l’assume. Ce n’est d’ailleurs pas une surprise si les premiers acteurs économiques à s’acculturer à l’IA sont les acteurs financiers. Avec l’ensemble de ses équipes, Olena Kushakovska fait partie de l’élite restreinte qui est en train de façonner la révolution technologique en cours dans une approche affichée de développement durable. Sacrée responsabilité, Madame. Chapeau bas.
Pour aller plus loin...

Dans la même rubrique
Dans le rétro… Retour sur Azur Tech
4 septembre 2023 à 13:57
Avis de tempête européen sur la chimie fine… Un plaidoyer pour croire aux vertus de cette industrie et garder foi en la science
1 septembre 2023 à 17:26
ChatGPT, intelligence artificielle générative ou dégénérative ?
1 septembre 2023 à 14:04
ONHYS, la simulation des flux piétons au service de l’amélioration des infrastructures
1 septembre 2023 à 13:39
Les matériaux vivent, leur dynamique au cœur des enjeux de mobilité
1 septembre 2023 à 13:31
Avec la Renault Software Factory, l’Automotive prend son essor à Sophia Antipolis
1 septembre 2023 à 12:13

Qu’en pensez-vous ?
Donnez-nous votre avis
Pour vérifier que vous êtes une intelligence humaine, merci de répondre à ce questionnement lunaire.