THE Lab…
Modéliser les risques industriels au plus près du réel

Par La rédaction, 23 février 2024 à 16:33

De Tech à tech

Depuis 30 ans, le Lab d’innovation d’Accenture de Sophia Antipolis accompagne les entreprises et les institutions dans leur transformation technologique stratégique. Au vu des enjeux, le Lab s’est logiquement fait sa place en matière de prévention de risque industriel. Emmanuel Viale, Managing Director Accenture Labs EMEA, Anne Groeppelin, directrice du Lab de Sophia Antipolis, et Lauriane Savaron, Innovation Facilitator, nous en ont montré les facettes. La rédaction les a rencontrés dans la partie visible de l’iceberg, le showroom.

Emmanuel Viale est un pur produit local. CIV, Andersen Consulting, Accenture. Plus de 25 ans de Sophia Antipolis dans les pattes. Il a en responsabilité les fameux Labs d’innovation d’Accenture pour les régions Europe, Moyen Orient et Afrique. Dès le début, il insiste sur la dimension technologique appliquée. « Nos Labs travaillent sur des cas d’usage très concrets, basés sur de réelles expériences clients. Les secteurs d’intervention sont extrêmement variés et vont de la finance aux biotechs en passant par la foodtech et l’industrie. » Lauriane explique brièvement le mode opératoire : « Nous sommes généralement sollicités en amont du produit, dès la phase du Proof of Concept, pour le tester. Nous intervenons parfois plus en aval dans le développement mais ce qui est important, c’est la démarche. On amène nos partenaires à réfléchir concrètement sur la façon dont ils vont s’approprier les nouvelles technologies dans leur activité. D’abord en termes de vision stratégique et puis de manière opérationnelle, en termes de R&D. »


En lien permanent avec l’écosystème du 3IA, plusieurs doctorants de l’INRIA travaillent à l’étage sur des problématiques appliquées, notamment sur l’anonymisation, la synthèse des données et le langage naturel. Au total, c’est une cinquantaine de chercheurs, toutes institutions confondues, qui mettent en pratique cette chère fertilisation croisée à la sauce sophipolitaine. Côté start-up, Accenture a investi dans la société Cintoo en 2022, une spin off de l’INRIA située à 30 mètres du Lab à vol d’oiseau. La société travaille en collaboration depuis cinq ans et a développé une expertise dans la compression des données issues de scans 3D. In fine, cela permet de rendre les espaces virtuels réalistes et adaptés à des modélisations fines en créant des jumeaux numériques précis et cela ouvre un champ élargi à la scénarisation professionnelle, notamment dans le domaine industriel.


Human by design, l’avènement d’une nouvelle ère


Accenture publie chaque année une étude qui fait le point sur l’évolution des technologies prometteuses dans une approche prospective. La vision technologique 2024 met l’accent sur l’humanisation en cours de la technologie, Human by design. Les IA bien sûr sont au cœur de cette vision, avec de plus en plus de chatbots qui synthétisent de larges volumes de données, qui commencent à sonder le contexte utilisateur dans laquelle la demande se formule, et qui développent de fait de nouvelles formes d’interfaces et des interactions fonctionnelles et contextualisées entre les machines et les hommes. Les IA se pensent aujourd’hui en outils pour potentialiser les capacités humaines.


La vision technologique d’Accenture ne fait évidemment pas l’impasse sur les enjeux de l’informatique quantique, du chiffrement de données ou de la distribution des données blockchain. Tous ces virages en cours ou à venir sont anticipés. Actuellement, les problèmes complexes mettent encore du temps à être appréhendés et au-delà d’un certain nombre de paramètres et de cas d’usage, le temps de calcul est encore non négligeable. Avec la montée en puissance du quantique, on va notablement gagner en rapidité. Comme Emmanuel Viale nous le rappelle : « Il faut savoir que de nos jours, certaines simulations durent encore des années, même en utilisant les plus puissants ordinateurs. Le quantique, fer de lance du NextGen computing, va changer ça. Dans le domaine de la recherche pharmacologique par exemple, l’étude des combinaisons possibles entre molécules va pouvoir s’accélérer et les calculs vont bientôt se faire de manière plus efficace et moins énergivore. » En attendant, les nouvelles cartes graphiques qu’on enchaîne les unes après les autres et des simulations effectuées en mode dégradé permettent de gagner du temps de calcul et d’accélérer les simulations, ce qui permet un usage industriel appliqué réaliste. CQFD. Si une simulation précise dure 10 ans, il est peu probable que beaucoup d’industriels attendent…


Plein cap sur l’expérience pour anticiper le risque industriel


Appliqué au risque industriel, la question est comment (bien) utiliser ces bonds technologiques pour entraîner les IA et surtout prévenir la survenue du risque. Emmanuel Viale insiste sur la valeur ajoutée d’être formé au plus près des conditions du réel : « L’expérience immersive est aidante pour préparer un agent à faire une procédure dans un environnement à risque ou s’il doit manipuler des machines qui coûtent très cher. Nous pouvons calibrer un espace virtuel pour aider à former l’agent à travailler les bons gestes. Nous travaillons sur des cas d'usage réels, concrets, avec l'idée de repenser fondamentalement ce volet de l’expérience humaine augmentée. On utilise des technologies de tracking pour suivre les déplacements de la personne, on utilise des technologies qui analysent le langage corporel, on va même jusqu’à mesurer le pouls des gens en situation dangereuse d’intervention et à introduire des stimuli sonores et olfactifs pour que l’expérience immersive vécue se rapproche au plus près des conditions du réel. Ce n’est pas neutre pour une entreprise. Il peut y avoir des conséquences humaines et financières lourdes. Ce que le Lab permet, c’est de se préparer au mieux en amont. »


Cintoo a créé plusieurs des espaces virtuels des 500 m² du Lab. En scannant des bâtiments entiers d’une manière très précise, l’expérience immersive est ainsi rendue au plus près du réel en matière de distance et d’appréhension de l’espace. Ce jumeau numérique permet des mesures fidèles avec une précision de l’ordre du millimètre. « Au niveau assurantiel, ce n’est pas neutre », poursuit Emmanuel. « Si l’un des critères de conformité en effet est que tel segment doit mesurer 3,3 cm et qu’au réel, il mesure 3,4 cm, il va falloir corriger cette anomalie et le but, c’est de le prévoir suffisamment en amont pour éviter d’intervenir après. » Une autre application possible en matière industrielle est de simuler des phénomènes physiques. « On fait beaucoup de prédictif. Par exemple, si on a un scan précis d’un dispositif de vannes, on peut faire varier la pression et entraîner des IA à analyser les capteurs de pression sur les vannes, l’idée reste toujours de prévenir le risque industriel et d’entraîner des intelligences artificielles dans cet objectif. Les mesures de pression peuvent se faire automatiquement, à distance, par des caméras avec des IA embarquées, sous n’importe quelles conditions météo. Ces analyses vont permettre d’évaluer le temps de vie d’une machine car même si deux machines sont sorties de la même chaîne de production en même temps, en fonction de leur contexte d’utilisation, l’une pourra casser avant l’autre. »


D’autres applications industrielles concernent le paramétrage de robots pour des phases d’inspection. Comment le contrôler à distance ? Comment montrer à un collègue comment le paramétrer pour effectuer des actions précises dans un milieu donné ? Beaucoup de cas d’usage sont en rapport avec des préparations à des vérifications de conformité à distance. En matière industrielle, la réalité virtuelle est ici plus que bienvenue. Mieux entraîner les hommes, les femmes et les machines pour en augmenter toutes les potentialités… Voilà qui trace certainement les lignes d’une complémentarité saine entre des intelligences qui restent après tout chimiques et électriques.

Parution magazine N°44 (mars, avril, mai)

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