Bouger, Changer
VIBRER

Par Frank Davit, 20 octobre 2025 à 11:08

Arts en scène

À Mougins, Pierre Caussin, son nouveau directeur, affûte la programmation de Scène 55 en faisant montre d’une belle fringale d’émotions qui jouent avec les codes du spectacle vivant et de sa représentation…

Ah ! Ce fameux quatrième mur, comme une séparation de fait entre public et acteurs. Plus d’une maison théâtrale s’évertue à ouvrir des brèches dans la chose, à brouiller les frontières entre salle et scène, à faire tanguer les fondations de cette convention. Scène 55 est de celles-là. Sous l’impulsion de Pierre Caussin, son jeune et fringant directeur, l’établissement mouginois a intégré de-ci de-là dans sa programmation des petites touches qui vont en ce sens. Pas de révolution pour autant : l’endroit a trouvé sa place dans le paysage culturel azuréen, reste un lieu du spectacle à part entière, dans le plein sens du terme, mais précisément, le mot résonne de tant d’échos. Alors pourquoi ne pas tendre l’oreille vers différentes formules de création ? C’est l’option retenue sur place. « Tenter des choses, glisser des innovations dans notre offre et voir comment le public valide ou pas ces propositions, confirme Pierre Caussin. À Scène 55, on est dans cette maïeutique-là. On va bien sûr continuer ce qui est déjà bel et bien en place dans la maison grâce au travail de René Corbier, mon prédécesseur, et on va aussi expérimenter d’autres formats que le seul spectacle frontal. On va sortir des murs, aller chercher d’autres publics, poursuivre notre action en direction des scolaires, inviter nos spectateurs à vivre et partager d’autres émotions et des sensations via des créations immersives en quelque sorte… Par son statut, Scène 55 n’est pas qu’une salle de spectacles, c’est aussi un outil au service de la population. Cette vocation fait partie des orientations du lieu… »


De Tiago Rodrigues à Alexis Michalik


Au début, c’était un pari. C’est maintenant un rendez-vous attendu. Depuis son baptême des feux de la rampe en 2017, Scène 55 a joliment pris son envol et peut se prévaloir d’avoir su affirmer sa différence, sa saveur ! Scène conventionnée avec la marionnette et la danse pour spécialités. Une billetterie qui fonctionne bien avec 450 abonnés et une moyenne annuelle de 20 000 places écoulées, soit un très bon taux de remplissage. Une programmation volontiers familiale tout en cultivant son originalité. On l’aura compris, aux antipodes d’un théâtre élitiste, l’endroit n’en revendique pas moins son identité, un vrai grain de scène ! Sa nouvelle saison est à cette image.


On va y croiser dans un vibrant compagnonnage d’affinités un grand nom de la scène contemporaine, Tiago Rodrigues, qui n’est autre que le directeur du plus grand festival de théâtre au monde, celui d’Avignon. Il présentera là deux de ses créations, Entre les lignes et, plus tard dans la saison, By heart. « Tiago Rodrigues devient un acteur récurrent, un partenaire en quelque sorte, au sein de trois théâtres azuréens, celui de Grasse, le Théâtre National de Nice et celui de Mougins, se réjouit Pierre Caussin. On joue ainsi la carte d’une dynamique complémentaire entre ces trois salles… » Dans cette optique et ces échanges de bons procédés, il faut absolument signaler à l’affiche du Théâtre de Grasse la toute dernière œuvre de Tiago Rodrigues, La distance, jouée en mai prochain. Les abonnés de Scène 55, eux, pourront bénéficier d’un tarif préférentiel pour assister au TNN à la Phèdre de Racine mise en scène par sa directrice, Muriel Mayette-Holtz, puis à Bovary Madame, nouvelle pépite annoncée du cinéaste et dramaturge Christophe Honoré. Rayon têtes d’affiche, on citera encore les chorégraphes stars Akram Khan et Angelin Preljocaj. Akram Khan pour une reprise d’un solo (dansé par l’un des membres de sa compagnie), Chotto Desh, qui conjugue à la fois le merveilleux et l’effroi de l’enfance à travers une histoire vécue aux allures de fable, illustré par moments par un film d’animation. Preljocaj pour deux opus qui n’en font qu’un à l’arrivée : une reprise de son ballet culte Helikopter (2001), augmenté d’un corollaire récent Licht (2025).


Véritable phénomène de la danse contemporaine la plus iconoclaste qui soit, le collectif (La) Horde viendra également monter à cru les fureurs sauvagement arty d’un best of de son répertoire, Roommates.


Autre invité de marque : Alexis Michalik, le pur-sang de la scène hexagonale aux succès publics à tout crin. Couronné de deux Molières, son Porteur d’histoire vous fera galoper le cœur de bonheur et d’émotions…    


Le spectacle est une fête !


Alors, prêt pour des péripéties théâtrales en dehors des schémas classiques, traditionnels ? Scène 55 a donc opté pour semer dans sa programmation des spectacles qui font éclore d’autres modalités de représentation, d’autres formes de communion. Le maître mot de tout ça : la convivialité. Faire la fête, ensemble… « La convivialité, c’est un peu comme notre cheval de Troie pour aller séduire des publics nouveaux, les rendre curieux, sourit Pierre Caussin. On a invité des troupes et des artistes qui travaillent en ce sens… » Des bals vont ainsi émailler la saison où se mêleront DJ, danseurs professionnels et gens du public. Notamment Le bal magnétique prévu en mai en extérieur, dans l’écrin du jardin des Restanques, avant un final en apothéose le dimanche 31 mai tout l’après-midi, sur le site mitoyen de Scène 55 et du Pôle national supérieur de Danse Rosella Hightower. Opération baptisée 1 km de danse, dans le cadre d’un dispositif festif adopté par quatorze autres villes en France ce jour-là. Tout le monde est bienvenu pour se fondre dans la liesse (entrée libre). Des spectacles dégustations sont aussi à l’ordre du jour, comme le divertimento imaginé par les comédiens paysans du Teatro delle Ariette entre délices et recueillement : 30 ans de blé : autobiographie d’un champ. Á l’affiche, début décembre. 


Belles de joies


Chaque année, temps fort de la saison, Scène 55 fait éclore dans ses rameaux le Printemps de la Marionnette. La dixième édition de ce festival aura lieu en mars 2026. Pendant douze jours, Scène 55 va ainsi faire voyager son public, petits et grands compris, au pays des merveilles de l’art des marionnettes. Petits et grands car avant d’embarquer dans l’aventure, on oublie les clichés d’usage sur la mignonnerie du genre pour mieux se laisser surprendre par un art théâtral à part entière. Quatre spectacles sont au rendez-vous dont Le bal marionnettique par la compagnie des Anges au Plafond, des habitués de la programmation qui reviennent à chaque fois avec des créations aussi folles qu’inspirées. Pour ce nouveau tour de piste, la compagnie investira le plateau avec des marionnettes à taille humaine, que les spectateurs seront invités à faire danser eux-mêmes ! Qui dit édition anniversaire dit festival grand millésime. S’il y aura certes moins de spectacles qu’à l’accoutumée, la manifestation s’offre des fantaisies de circonstance, avec des interventions dans le centre-ville pendant le déroulement du festival et un final en apothéose et en toute allégresse à l’Eco’parc de Mougins, au gré de spectacles à ciel ouvert.

Parution magazine N°50 (septembre, octobre, novembre)

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