Le dérèglement climatique, IA , jumeau numérique, vers la neutralité carbone des activités humaines

Par Jacques Jacquet-Stemmelen, 1 décembre 2020 à 20:48

De Tech à tech

Le 10 et 11 octobre derniers se tenait à Sophia Antipolis le Symposium « BEARTHDAYS - WARMING MINDS – COOLING THE PLANET ». Au panorama des travaux scientifiques consacrés à l’« effet de serre » succédait la présentation d’actions sur le thème injonctif « essaie de faire » illustrant la prise de conscience citoyenne croissante. C’était l’occasion de dresser l’impact des problématiques climatiques sur les stratégies d’entreprise.

Sur la période 1990–2017, l’industrie manufacturière et l’activité de transformation des énergies ont réduit leurs émissions de gaz à effet de serre. Restent les secteurs résidentiels et tertiaires, des transports et de l’agriculture qui, eux, ont vu leurs émissions croître . Ces dernières années, la prise de conscience citoyenne s’est exprimée avec force, et en termes d’exigences, exhortant les industriels à plus d’efforts. Toujours dans l’attente d’un prix de valorisation du carbone, tous les secteurs d’activités ont néanmoins besoin de nouveaux leviers technologiques permettant d’améliorer la réduction de leurs empreintes carbone.


De ce point de vue, que peut-on espérer de la digitalisation et des performances prometteuses de l’intelligence artificielle ?


Pour le secteur industriel, après la digitalisation des flux, celle des bâtiments sous la forme du BIM (Building Information Modeling) mérite attention. On voit, en effet, le BIM s’imposer progressivement dans les projets de construction. Il permet la centralisation de l’ensemble des données du bâtiment en phase de conception, mais aussi de construction et d’exploitation sous la forme d’un jumeau numérique 3D prêt à accueillir d’autres dimensions informatives jusqu’à 7D . Dans sa revue « Ça change tout » d’octobre 2019, consacrée au « numérique, vecteur de progrès… », EDF considère que sont au cœur de l’usine d’aujourd’hui et de demain « Cobotique , réalité virtuelle et augmentée, internet des objets, deep learning et IA, blockchain, cloud computing, jumeau numérique et simulation 3D, big data, fabrication additive… ». Cette instrumentation digitale permet d’envisager notamment de mixer plusieurs sources d’énergie (nucléaire, solaire, éolien, hydraulique… ). La gémellation dotée d’IA d’un bâtiment permettrait, à terme, de combiner et de gérer ses performances thermiques, le bilan énergétique et carbone des activités qu’il accueille, et les facteurs climatiques qui s’exercent sur lui. Cette combinaison rend donc, désormais, envisageable une nouvelle façon d’appréhender et d’améliorer l’empreinte carbone globale de l’entreprise.


Cette innovation récente permettant de créer un avatar virtuel de l’entreprise connaît, d’ailleurs, depuis peu, une déclinaison sur le secteur résidentiel, et plus largement, à l’échelle de la ville sous la forme de jumeaux numériques proposant des espaces collaboratifs et une navigation dans une représentation 3D des zones urbaines et de ses projets d’aménagement . Dassault Systèmes et Rennes Métropole ont mis en place, avec l’aide de l’Etat au titre du programme « Ecocité-Ville de demain » une représentation 3D de la ville pour concevoir, prévoir et simuler les fonctionnements de la cité dans une logique collaborative. Par ailleurs, 2,5 millions de bâtiments ont été modélisés en 3D par la société SIRADEL pour créer le jumeau numérique de la région Ile-de-France avec parmi les thématiques mises en avant l’énergie et l’environnement.


Rappelons que la contribution à l’émission de CO2 et des gaz à effet de serre des zones urbaines (résidentiel/tertiaire) provient principalement des appareils de combustion fixes, de la climatisation des bâtiments et de l’utilisation de peintures et de produits solvantés auxquels s’ajoutent les émissions générées par les déplacements urbains.


Cependant, malgré le potentiel de contribution du BIM à la maîtrise du réchauffement, les autorités françaises n’ont toujours pas légiféré sur cet outil, ce qui retarde son déploiement à la différence de l’Allemagne ou de l’Angleterre.


Resterait à corréler l’activité humaine et les modélisations urbaines ou plus largement territoriales. A ce jour, dans le domaine des sciences humaines aucun algorithme n'est encore en mesure de rendre compte de la complexité des comportements, de la décision et des rapports de force expliquant les actions humaines : un défi qu’a pourtant relevé une équipe du CNRS en simulant, au moyen d’une plate-forme logicielle à intelligence artificielle distribuée, le déroulement d’activités à fort impact environnemental, notamment agricoles, pour en étudier leurs interactions avec l’environnement. Cette simulation expérimentale explore de nouvelles voies méthodologiques capables de rendre compte de la complexité des interactions sociétés/nature à laquelle sont confrontés : entreprises, zones d’activités et espaces urbains, sans oublier les tensions citoyennes auxquelles il faut répondre.


La nouveauté, c’est donc l’apparition d’outils collaboratifs, combinant expression de la conscience citoyenne et représentation virtuelle, capables d’éclairer ces enjeux sous réserve d’un encadrement éthique.


Ces pratiques expérimentales sont bien prometteuses d’une aide attendue par les décideurs et les citoyens pour conduire la transformation vers une neutralité carbone des entreprises, des espaces d’activités, et des zones urbaines qui leur sont nécessaires.


Parution magazine N°30 (décembre, janvier, février)

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