Le plan France 2030 et la politique Deep Tech à la croisée des chemins…

Par Jacques Jacquet-Stemmelen, 1 décembre 2022 à 20:59

De Tech à tech

Alors que la corrélation entre la guerre en Ukraine et les perspectives d’une récession fin 2022 début 2023 est établie, quelles perspectives s’offrent aux startups françaises et plus particulièrement à sa branche « deep tech » ?

Selon les termes de la déclaration précédant le G20 en Indonésie de la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen , l’arrêt de la guerre en Ukraine serait le meilleur antidote pour redresser l’économie mondiale. Propos partagés par le commissaire européen à l'Economie, Paolo Gentiloni, qui déclarait voir l'activité de la zone euro se contracter au dernier trimestre de cette année et au premier de 2023 et la zone euro. Ainsi, aux termes de ces prévisions, avec deux trimestres successifs de contraction, « la plupart des Etats membres » seront en « récession ». Pour Paolo Gentiloni « Le choc de la guerre est en train de prendre le dessus (...) L'inflation continue de dépasser nos prévisions, la forte érosion du pouvoir d'achat a fait chuter la confiance des consommateurs, comme celle des entreprises qui sont confrontées à des coûts de production élevés, des difficultés persistantes d'approvisionnement et un resserrement des conditions de financement » avec en conclusions, toujours selon le commissaire européen, le risque accru de désindustrialisation.


Alors, dans un tel environnement, quelles perspectives pour le développement des startups, de l’innovation et du plan de relance France 2030 visant à réindustrialiser la France et concourir à sa souveraineté industrielle ?


Les prémices d’une prise de conscience


Tout d’abord, en 2021, au cœur de la pandémie, 9000 personnes ne manquaient pas de s’étonner de voir Cédric O (Secrétaire d’Etat en charge de la Transition numérique et des Communications électroniques) encourager, dans un post Linkedin, la réussite économique plutôt que dans la considération de l’impact d’une start-up. C’est ce que relève Celia Gradit, dans son mémoire MASTER 2 sur le thème « Start-up à Les start-up à impact positif. Comment développer l’ancrage territorial des start-up à impact positif sur le Sillon Alpin ? ». Cherchant à définir le concept de start-up à impact, l’auteure interroge le concept osbservant l’étonnement de plus en plus de citoyens « que l’accomplissement d’une réussite entrepreneuriale ne puisse toujours se résumer qu’à une levée de fond, une entrée en bourse, ou tout autre forme de réussite économique. » alors que le concept d’impact relève d’une décision, rappelle-t-elle de l’ONU.


Ainsi, assiste-t-on à « impact washing » tant en termes de marketing des start-ups que de marketing du fonds d’investissement, soutenu en ce sens par Bpifrance et France Digitale qui considèrent qu’« En un an, le nombre de start-up à impact a bondi de 28%, pour atteindre 1074 start-up, sur les 20.000 environ que compte la France ». Nous laissant ainsi particulièrement interrogatifs quant à la nature des 18 926 start-ups restantes et l’utilité des financements qui leur auront été consacrés.


Certes, en 2021, trois catégories de start-up étaient tout particulièrement attendues : celles de la finance, celles de la data et celles dont le business model repose sur l'économie de l'abonnement. Autant dire, que le besoin d’un recyclage du mouvement dominant de création des start-ups était nécessaire d’autant qu’en un peu plus de 12 mois, l’horizon de ces nouvelles pousses entrepreneuriales a complètement changé sous la pression des priorités accordées aux innovations de rupture, de la (re)industrialisation et de la souveraineté sont venues réécrire les horizons stratégiques.


C’est bien ce que témoignent les directions des incubateurs azuréens, tentés dans le contexte actuel de privilégier l’accueil des start-ups matures dont le portefeuille de contrats leur assure une relative pérennité ; tournant le dos au mythe des licornes et levées de fonds astronomiques, trop souvent accompagnant la dilution du capital au détriment des fondateurs.


L’espoir de France 2030 et de la réindustrialisation de notre pays


Une époque succède à une autre et pourrait susciter l’espoir de voir enfin nos industries retrouver la voie d’un nouvel essor industriel au bénéfice d’innovations de rupture, sur un modèle frugal, respectueux de l’environnement et des risques climatiques et dont les modèles seraient inspirés par les 17 objectifs fixés par l’ONU en 2015.


Sauf que les filières retenues en 2020 dans le cadre de l’orientation Deep Tech adoptée par BPI, Hello Tomorrow et le BCG, en MARS 2020 (Agriculture, Batteries, Hydrogène, Biotechnologies médicales, Industrialisation réclameraient une concentration des financements et des efforts d’accompagnement. Or BPI identifiait seulement 250 startups recensées « deep tech » créées en 2021, et de croissance, autant dire un chiffre insuffisant pour relever le défi des enjeux de demain en termes de stratégies quantique, énergétique, et industrielle.


C’est ce que relève André Loesekrug-Pietri dans ces termes lorsque qu’« il y a un an, le président annonçait France 2030, un plan pour préparer l'avenir, pour préparer la France aux enjeux de demain face à la « compression du temps » avec de vrais choix en matière de stratégie d'avenir et non un saupoudrage généralisé. » et de constater que « le plan d'investissement France 2030 risque d'échouer car la mise en place des projets n'est ni assez rapide, ni assez agile, ni assez sélective. » Alors que notre pays fait face à un décrochage historique de sa compétitivité et à une menace de désindustrialisation, un dispositif dédié, frugal et efficace, est nécessaires pour répondre à l’attente de petits réacteurs, de réseaux intelligents, de production de matériaux critiques, aujourd’hui largement absents, dispositif qui réclame de nouvelles méthodes et des choix clairs pour une vraie souveraineté.


Gageons que ce message soit entendu par les acteurs économiques et les institutions territoriales de chaque région dont l’avenir est suspendu à ce constat lucide et dont dépend désormais la souveraineté industrielle de notre pays.


Parution magazine N°39 (décembre, janvier, février)

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