Dansons tous en chœur, a chorus line in Monaco

Par Frank Davit, 15 mai 2023 à 08:58, Monaco

Arts en scène

Les 8 et 9 juillet, les Ballets de Monte-Carlo promulguent un coup d’éclat insurrectionnel qui va embraser la Principauté 24 heures durant. Quand la F(ê)aites de la Danse prend le pouvoir, l’état de grâce est décrété…

Y étiez-vous ? Le 1er juillet 2017, toute la place du Casino de Monte-Carlo avait été emportée par une déferlante de rythmes, de joie et de fièvre au corps sans précédent : la toute première édition de la F(ê)aites de la Danse. Le fruit d’une belle initiative émanant de la Compagnie des Ballets de Monte-Carlo et de leur mentor Jean-Christophe Maillot, et la démonstration qu’il y avait bel et bien place pour d’autres effusions que pour des berlines de luxe en ce haut lieu de la vie monégasque ! Ce jour-là, l’espace de près de douze heures à ciel ouvert, Monaco fut la ville dont les princes étaient des danseurs et des danseuses d’un soir, mêlée anonyme du public venu en foule participer à une célébration collective de l’un des élans humains les plus créatifs qui soient, l’acte de danser ! Ce n’était pas un bal de la rose ni une rave party où s’encanaille le gratin local. C’était encore bien plus qu’assister à un spectacle. Il s’agissait d’être soi-même l’un des maillons de la formidable réussite de ce rendez-vous. Ce fut fou, ce fut vibrant, ce fut fraternel et sororal et le succès, incroyable ! Ils et elles étaient ainsi près de dix mille à propager dans l’air l’onde d’euphorie et de communion provoquée par cette F(ê)aites de la Danse aussi inédite qu’inouïe. De flash-mob en intermezzos dansés, d’une séance de barre géante pour accueillir toutes celles et ceux qui voulaient se prêter à l’exercice à un final en apothéose le temps d’une tarentelle tout feu tout flamme rondement menée par la troupe des Ballets de Monte-Carlo, cette invitation à la danse fut étourdissante. D’une magnitude mémorable au cœur de ce qui nous fait trembler de tout notre être face à l’émotion d’un instant…



Fluides ondulatoires


Y serez-vous ? Car la voilà de nouveau à l’affiche alors qu’on n’osait plus l’attendre et la rêver. Il y aura enfin et en effet une suite donnée à cette éruption de liesse et de partage. Un bis. Une récidive de cette folle démangeaison de bonheur qui s’empare d’une foule dans l’atmosphère d’un grand rassemblement « populaire » et gratuit. Vous l’aurez compris : la F(ê)aites de la Danse fait son retentissant retour pour une deuxième édition qui se déroulera début juillet, et il y a tout lieu de s’en réjouir ! Sous le haut patronage du Gouvernement princier, de la Compagnie des Ballets de Monte-Carlo et de Monte-Carlo Société des Bains de Mer, qui organisent conjointement l’événement, cette édition va doubler la mise. Expérience immersive, elle ne durera pas 12 heures mais 24 heures et fera une nouvelle fois la part belle à ce qui rend la danse irrésistible et magique, quelles que soient ses formes d’expression. Pour le dire autrement, le propos de la F(ê)aites de la Danse est là : il s’agit de laisser libre cours, « libre corps », à une matière chorégraphique ardente, palpitante. Amateurs, néophytes, professionnels, à chacun chacune de tisser sa maille, de faire son miel du spectacle géant et polymorphe en train de se dérouler autour de soi, au gré des scènes éphémères installées ici et là, des sessions de DJ qui transforment l’espace public en dance floor… Scintiller plus fort en dansant ensemble. Être mouvant, être vivant. Á l’heure où des femmes en Iran ont été arrêtées pour avoir dansé cheveux au vent en signe de protestation contre la mort d’une jeune Iranienne tuée par la police, les choses prennent encore un autre sens. Où il apparaît que danser, au-delà d’une histoire de figures et de pas, relève d’une soif d’incandescence, d’un rite incantatoire qui exalte l’humain. Sous sa bulle d'insouciance et d’allégresse, la F(ê)aites de la Danse nous rappelle aussi semblables évidences…



Interview : Jean-Christophe Maillot donne la cadence


Créer. Divertir. Surprendre. Le directeur-chorégraphe de la Compagnie des Ballets de Monte-Carlo est au travail, sans relâche. Il nous a parlé de ce week-end dansant pensé par lui.


Voici revenir le temps de la « F(ê)aites de la danse » ! Comment l’avez-vous rêvée, imaginée, conçue ?


Je me suis toujours intéressé aux liens entre les artistes et le public. Cela m’a amené à expérimenter plusieurs manières de montrer mes spectacles. Mais il y avait une chose que je n’arrivais pas à abolir, c’était la frontière entre l’artiste qui donne et le spectateur qui reçoit. J’avais toujours le secret espoir de les voir un jour danser ensemble. C’est chose faite avec F(ê)aites de la Danse !


Cette nouvelle édition sera-t-elle très différente de la précédente ?


La première édition commençait à 18h et s’achevait le lendemain à l’aube. Pour cette deuxième édition, nous allons y ajouter une séquence « Détox » qui durera jusqu’au lendemain midi. C’est une seconde partie de F(ê)aites de la Danse ! presque un second visage. Cette partie sera davantage orientée vers des activités qui font appel au mouvement de manière douce et réflexive.


Que représente un tel rendez-vous pour la compagnie des Ballets de Monte-Carlo ?


Les danseurs sont capables de danser longtemps et dans des conditions aléatoires qui varient d’un théâtre à l’autre. Cela fait partie de leur métier. Mais cette manifestation, gratuite et populaire, s’adresse à un public beaucoup plus vaste. Les faire danser 24 heures est un véritable défi. Il faut leur proposer un cadre qui permet de tenir la distance. Cela implique une programmation de spectacles, de concerts, de performances et d’activités diversifiés. Nous l’avons mûrie pendant deux ans.


Le succès inaugural de la « F(ê)aites de la Danse » a été d’une ampleur inouïe. Á quoi attribuez-vous cette adhésion du public ?


C’est toujours plus facile de commenter un succès a posteriori. On peut imaginer toute sorte de raisons pour se dire qu’on a eu une idée géniale. Mais ce qui a vraiment été génial, ça a été justement la surprise de cette première édition. À minuit, quand les Ballets de Monte-Carlo ont interprété Core Meu (tarentelle) avec Antonio Castrignano, et que le public déchaîné dansait avec les artistes, la barrière que je voulais voir tomber n’a pas seulement cédé, elle a été emportée. Ça a été un moment de grâce qui a marqué toutes les personnes présentes et c’est ce que tout le monde veut revivre aujourd’hui, je crois.



Carnet de bal


La « F(ê)aites de la Danse », place du Casino de Monte-Carlo, dès 18 heures le 8 juillet et le 9 juillet jusqu’à midi en continu et en plein air / accès libre et gratuit / www.balletsdemontecarlo.com


Les Ballets de Monte-Carlo cet été, c'est aussi trois spectacles à l'affiche : L'oiseau de feu et Pulcinella (deux créations originales) et Cendrillon (l'un des classiques du répertoire de la Compagnie).

Parution magazine N°41 (juin, juillet, août)

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