Scène 55
Une saison bien dans ses cothurnes

Par Frank Davit, 30 août 2023 à 21:54

Arts en scène

Á Mougins, le théâtre chausse grand. Il fait du spectacle pointure 55, grâce à une programmation droite dans ses pompes pour faire danser le rêve et le réel tout au long d’une partition allegro molto vivace… 

Dans l’archipel des théâtres azuréens, cap sur Scène 55, l’outsider qu’on n’attendait pas forcément et qui a su tirer son épingle du jeu avec déjà six saisons et demie à son actif (le lieu a été inauguré en mars 2017 avec une mini saison d’ouverture). Le voilà qui repart à la conquête de son public avec une septième saison qui, comme à l’accoutumée, brasse tous les plaisirs des feux de la rampe. Pièces de théâtre, danse, cirque, humour, concerts et, pépite sur le magot, un festival de la marionnette organisé sur place tous les printemps : Scène 55 trousse bien son affaire pour emballer grands et petits. Tout entier à son ouvrage d’amuseur grand public, l’affiche du théâtre mouginois, scène conventionnée d’intérêt national « Art et Création », n’en est pas moins exigeante et fait preuve d’un bel éclectisme dans ses choix de spectacles. Saluons au passage l’action du directeur artistique maison, René Corbier, qui a toujours su donner des inflexions polychromes à sa programmation. Il récidive encore au cours de cette saison qui s’annonce riche en péripéties théâtrales, aussi captivantes qu’émouvantes selon les cas.


Densitométrie des étoiles  


Autant dire tout d’abord que la ligne de hanche de Scène 55 va beaucoup onduler dans le sillage de moult spectacles de danse et de leurs étoiles. Cela s’inscrit en parfaite cohérence avec son étroit partenariat avec le Festival de Danse de Cannes Côte d’Azur et la proximité immédiate du Pôle national supérieur de Danse Rosella Hightower. Une prédilection chorégraphique qui marque ainsi ses affinités avec des énergies ardentes déployées sur des fréquences mensuelles, toute l’année. Ainsi du lever de rideau de la saison en Tutu, un opus folâtre mâtiné d’esprit cabaret par le chorégraphe Philippe Lafeuille. Idem pour la clôture de la saison, en mode Tango avec une milonga par la compagnie et école You Tango. Dans l’intervalle, des créations contemporaines sur les pas d’un chorégraphe en résidence, Martin Harrague. Un ovni (objet volage non identifié) signé Philippe Saire, Salle des Fêtes, dans le cadre de la participation de Scène 55 au Festival de Danse évoqué ci-dessus. Un chorégraphe star, Angelin Preljocaj, en invité de prestige qui présentera avec sa compagnie l’un de ses derniers ballets, Création 2023, et deux reprises de succès passés, Noces et Annonciation… Scène 55 est en pleine… transcendance ! Tant mieux !     


Cerises sur le plateau


Comme toute salle de spectacle, Scène 55 va aussi faire sa moisson de têtes d’affiche en accueillant des productions où s’illustrent des talents consacrés du monde théâtral et des arts de la scène. Outre Angelin Preljocaj, ils seront ainsi nombreux à emboîter le pas au chorégraphe du Pavillon Noir. L’humoriste François Morel ici reconverti chansonnier le temps d’un récital. Carole Bouquet en Bérénice de Racine, frissonnante reine blessée dans une mise en scène écrin de Muriel Mayette-Holtz. Tiago Rodrigues (homme de théâtre qui n’est autre que l’actuel directeur du Festival d’Avignon) et le formidable duo de comédiens qu’il dirige dans sa pièce Chœur des Amants. La chorégraphe Blanca Li qui revisite avec ses danseurs le classique Casse-Noisette au gré d’une relecture hip hop enchantée. Un récital au piano du musicien André Manoukian, Anouch, pour un voyage entre harmonies orientales et ibériques… Un comédien seul en scène, Christophe Malavoy, pour une adaptation par ses soins d’un grand texte de l’écrivain hongrois Joseph Roth, La légende du saint buveur… Assurément, il y aura du beau monde sur les planches du côté de Mougins. 


Les marionnettes sont dans la place 


La chose est de notoriété publique : la Scène 55 est un vrai repaire de puppets, avec chaque année tout plein de spectacles qui mettent à l’honneur l’art des marionnettistes sous ses latitudes. Comme le monde circassien qui n’a cessé de se réinventer et de se diversifier, les marionnettes ont développé des modes d’expression pluriels pour se raconter et déployer des trésors de créativité, de fantaisie et de poésie autour de la représentation de leurs aventures, qu’elles soient désopilantes, féériques, enfantines ou à l’adresse d’une audience plus adulte. Entre merveilleux et facétieux, c’est toute cette gamme d’une orfèvrerie de spectacles aux sortilèges tendres et rêveurs qui fait des étincelles dans la programmation du lieu. Á commencer par la compagnie Arketal et son petit dernier, Hermès, le dieu espiègle. Basée sur les hauteurs de Cannes, la compagnie Arketal n’a pas son pareil pour être pourvoyeuse d’un imaginaire inspiré aux couleurs parfois douces amères mais toujours nimbées d’un éclat lumineux par la force et la portée de son travail créatif. Bonnes fées, anges tutélaires de la compagnie, Greta Bruggeman et Sylvie Osman Hommage ont été l’âme et le souffle d’Arketal jusqu’à aujourd’hui. Elles s’apprêtent à prendre leur retraite. Hommage leur soit rendu ! Suivra un spectacle farfelu aux accents musicaux endiablés, taillé sur mesure pour les Fêtes, Antologia, par un maître du genre, Jordi Bertran, magicien des marionnettes à fils. Enfin, en avril prochain, reviendra sur le devant de la scène le Printemps des Marionnettes et six spectacles programmés à cette occasion. Et Scène 55 n’en finit pas de faire son numéro…

Parution magazine N°42 (septembre, octobre, novembre)

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